CHIRURGIE

DE

MAITRE HENRI DE MONDEVILLE

ÇOULOMMIERS. IMPRIMERIE PAUL BRORARD

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une miniature du manus

Nicaise. H. de Mondeville.

Front.

CHIRURGIE

DE

MAITRE HENRI DE MONDEVILLE

CHIRURGIEN DE PHILIPPE LE BEL. ROI DE FRANCE

COMPOSÉE DE 1306 A 1320

TRADUCTION FRANÇAISE

AVEC DES NOTES. UNE INTRODUCTION ET UNE BIOGRAPHIE

Publiée sous les auspices du Ministère de V Instruction publique

PAR

E. NIC AISE

PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE PARIS CHIRURGIEN DE I.' HÔPITAL LAËNNEC ANCIEN PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DE CHIRURGIE DE PARIS ANCIEN MEMBRE DU CONSEIL DE SURVEILLANCE DE L ASSISTANCE PUBLIQUE -

AVEC LA COLLABORATION

Du Dr SAINT-LAGER et de F. CH A VA. N NES

Ce monument de la Chirurgie française méritait de trouver sa place parmi ceux des prédécesseurs de Guy de Chauliac.

Littré, Ilist. lilt.. t. XXVIII. p. 351.

PARIS

ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET

FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR

108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108

1893

Tous, droits rése

PRÉFACE

Ce monument de la Chirurgie française méritait de trouver sa place parmi ceux des prédécesseurs de Guv de. Cbauliac.

Littré, Hùt. littér., t. XXVIII, p. 351.

Depuis plusieurs années, je me suis appliqué à l’étude des Origines de 'la chirurgie française. Déjà en 1890 j’ai publié une édition de la Chirurgie de Guy de Chauliac, puis successivement divers travaux sur l’état de la chirurgie au moyen âge. Aujourd’hui je donne une traduc¬ tion de l’œuvre de Henri de Mondeville, le plus ancien auteur français qui ait écrit un Traité de Chirurgie.,

pendant la seconde moitié du xme siècle, Mondeville écrivit son ouvrage sous le règne de Philippe le Bel dont il était chirurgien. Yenu à une époque l’ignorance et la superstition étaient grandes, la Sco¬ lastique régnait dans les Écoles, il faisait partie de .cette élite de nova¬ teurs ardents, que l’on trouve pendant la Pré-Renaissance, et dont les idées nous étonnent par leur hardiesse et leur originalité.

Henri de Mondeville s’était particulièremeut adonné à l’étude de la Médecine et de la Philosophie : Quoique plein de respect pour les Pères de ces deux sciences, et pour les maîtres dont il avait suivi les leçons (Théodoric, Lanfranc et Pitart), cependant il nous apparaît comme un apôtre du libre examen et de l’évolution progressive de la science : en chirurgie, il fut un véritable précurseur, puisque comme il sera expliqué ultérieurement, il professa, malgré la plus vive opposition, une doctrine nouvelle sur le traitement des plaies, doctrine qui devait attendre 600 ans avant de triompher.

Par suite de circonstances difficiles à saisir, l’œuvre de H. de Mon¬ deville était restée inédite jusqu’en ces derniers temps. L’édition latine donnée l’an dernier par le Dr Pagel et la traduction française que nous publions actuellement, seront certainement considérées par tous ceux qui s intéressent à l’histoire de la Médecine, comme une juste réparation de

Nicaise. H. de Mondeville. a

PRÉFACE

l'oubli dans lequel est restée pendant si longtemps l'oeuvre d’un Maître qui dans l’ordre chronologique pourrait être appelé à bon droit le Père de la Chirurgie française, et qui est une de nos gloires nationales.

D’ailleurs la publication de cet ouvrage importe non seulement à l’histoire de la Médecine enseignée dans notre pays, à la Faculté de Paris, dans une chaire qu’occupe avec tant de compétence le savant professeur Laboulbène, elle importe aussi à l’enseignement de la Médecine elle- même, car malgré son ancienneté, ce livre peut être encore aujourd’hui consulté avec profit, notamment en ce qui concerne les principes de la Pathologie générale, de la Déontologie médicale, et enfin relativement à la direction qu’il est utile de donner aux études, afin de développer chez les élèves une certaine dose d’indépendance d’esprit et d’initiative personnelle.

Ces considérations diverses ont déterminé M. Bourgeois, Ministre de l'Instruction publique, à accorder à ce livre l’honneur d’être publié sous les auspices de ce ministère, témoignant une fois de plus de sa sollici¬ tude pour tout ce qui touche à l’enseignement et de son désir d’encou¬ rager les travaux historiques.

Les manuscrits de la Chirurgie de Mondeville venus jusqu’à nous sont peu nombreux, la plupart sont incomplets ; seule la Bibliothèque Nationale de Paris possède des manuscrits complets.

C’est le Dr Pagel, privat-docent à l’Université de Berlin, qui a eu le mérite de publier le premier le texte latin de Henri de Mondeville 1 en utili¬ sant les manuscrits de Berlin, d’Erfurt et les manuscrits complets de notre Bibliothèque Nationale, mis libéralement à sa disposition par le Gouver¬ nement de la République.

M. Pagel a ajouté au texte de Mondeville des notes diverses et un glos¬ saire des synonymes à M. Steinschneider; il m’a gracieusement auto¬ risé ainsi que son éditeur, M. Hirschwald, à reproduire tout ce que ren¬ fermait son édition. Je lui adresse, ainsi qu’à M. Hirschwald, tous mes remercîments.

Dans le travail considérable que j’ai entrepris, j’ai été secondé par M. F. Chavannes qui, par sa connaissance spéciale du latin du moyen âge, m’a facilité la traduction des trois premiers traités ; sa collaboration a été non seulement savante, mais dévouée.

1. J.-L. Pagel, 1892, Die Chirurgie des Heinrich Berliner, Erfurter und Pariser Codices zum A. Hirschwald.

von Mondeville (Rermondaville) nach ersten Male herausgegeben. Berlin,

PRÉFACE

ni

Au moyen âge, la matière médicale jouait un rôle important même dans le traitement des maladies chirurgicales, et comme Mondeville était très versé sur ce sujet, ce qu'il a dit méritait d’être conservé et reproduit avec une exactitude absolue. Pour la traduction du cinquième traité, qui foi me 1 Anlidotaire, le Dr Saint-Lager, de Lyon, connu par ses travaux sur la botanique ancienne et contemporaine, a bien voulu me prêter son concours ; de plus il a composé un glossaire des Synonymes des noms des médicaments simples et établi leur concordance avec les noms nou¬ veaux. Grâce à la collaboration du D* Saint-Lager le livre que je publie, pourra être utilement consulté par tous ceux qui désirent avoir des notions exactes sur la Matière médicale ancienne. Que mon savant confrère reçoive l’expression de toute ma gratitude.

E. Nicaise.

INTRODUCTION

Pour apprécier un auteur et se rendre compte de son œuvre, il est indis¬ pensable de se le représenter au milieu de la société dans laquelle il agissait. Déjà, dans l’Introduction de la Grande chirurgie de Guy de Chauliac, j’ai eu l’occasion d’étudier toutes les questions intéressantes pour le chirurgien, qui se rapportent à l’état politique et social du xive siècle, à l’enseignement de la médecine, à sa pratique, etc. J’ai recherché quels étaient les livres médicaux que l’on possédait, j’ai indiqué les traductions des auteurs grecs et arabes. .

Ces questions que j’étudiais et exposais pour montrer le cadre dans lequel se trouvait Guy de Chauliac, écrivant sa Chirurgie en 1363, se représentent, à peu près les mêmes, à propos de Henri de Mondeville, écrivant de 1306 à 1320. Il n’est pas utile de répéter ce que j’ai dit dans ma précédente Introduction et ailleurs U Je reprendrai seulement certains points pour les étudier plus longuement et pour les compléter avec les documents fournis par le livre de Henri de Mondeville lui-même, renvoyant pour les autres à mon édition de Guy de Chauliac je traite des questions suivantes : le moyen âge dans ses rapports avec les sciences; la médecine et la chirurgie avant le xive siècle; les doctrines médicales régnantes; les auteurs cités par Guy, leurs livres; on y trouvera encore un essai sur la médecine et la chirurgie au xive siècle; à la fin du volume, j’ai donné une description des instruments employés au moyen âge, avec planches, et un glossaire des termes usités.

Dans la présente Introduction j’étudierai brièvement : la chirurgie à Paris au xive siècle; l’enseignement de la chirurgie à Paris; la suppuration et le traitement des plaies d’après Henri de Mondeville; les origines de la chi-

1. E. Nicaise, La grande chirurgie de Guy de Chauliac, composée en l’an 1363, revue et collationnée sur les manuscrits et imprimés latins et français, avec des notes, une intro¬ duction sur le moyen âge, sur la vie et les œuvres de Guy de Chauliac, un glossaire, etc. Paris, F. Alcan, 1890.

Propos général des plaies et solutions de continuité, par Guv de Chauliac. Revue de chir., 1891.

Les écoles de médecine et la fondation des Universités au moyen âge , Revue scientifique, 1891.

Les origines de la Faculté de médecine de Montpellier, in l’Université de Montpellier, 1891.

L’ enseignement delà médecine au moyen âge. Revue scientifique, 1891.

La pharmacie et la matière médicale au XIVe siècle , Revue scientifique, 1892.

U anatomie et la physiologie au XIVe siècle, Revue de çhir., 1893.

INTRODUCTION

rurgie française; la biographie de H. de M. ; les auteurs qu’il cite; sa biblio¬ graphie; enfin je reproduirai plusieurs pièces justificatives qui sont des pages de l’histoire de la chirurgie.

I. LA CHIRURGIE A PARIS AU XIV' SIÈCLE

L’état dans lequel se trouvait la pratique de la chirurgie à Paris pendant le moyen âge, est une des questions sur lesquelles les historiens s’entendent le moins, et aujourd’hui encore il ne faut pas prétendre l’exposer complètement. Je m’appuierai sur les documents que j’ai trouvés et dont je reproduis les principaux à la fin de l’Introduction, sous le titre de Pièces justificatives. Tout incomplets qu’ils sont, ils montrent qu’à Paris, à côté de quelques médecins- chirurgiens clercs, il y avait une corporation de chirurgiens laïques, des bar¬ biers chirurgiens et une quantité de charlatans. Nous nous occuperons suc¬ cessivement de chacune de ces catégories de praticiens.

Médecins-chirurgiens. L’École de médecine était composée de l’ensemble des Maîtres en médecine créés . dans son sein et jusqu’en 1634, les cours furent faits par deux d’entre eux seulement ayant le titre de Régents, lesquels ne restaient en fonctions que pendant deux ans. Il n’y avait pas de cours spé¬ cial pour la chirurgie; cependant, à la fin du xme siècle, l’École accueillit Lan- franc avec de grands égards et l’autorisa à faire un cours. Mais en 1330 elle revint à son intolérance primitive et défendit à ses bacheliers d’exercer la chirurgie manuelle.

On ne sait pas quelles étaient les relations de Mondeville avec l’École, il en parle une seule fois, à propos d’un travail qu’il se proposait de publier, mais qu’il retardait de crainte des Régents.

Parmi les Maîtres en médecine, lesquels étaient clercs, un très petit nombre exerçaient la chirurgie. Celle-ci était en effet considérée comme un métier, et en outre le fait de se livrer à un travail manuel constituait un acte avilis¬ sant ; il n’était donc pas décent qn’un clerc, qu’un Maître en médecine s’abaissât à pratiquer la chirurgie. Il faut remarquer ce préjugé, car il domine la médecine pendant plusieurs siècles et il donne l’explication de bien des choses ; en particulier, des rapports des médecins avec les chirurgiens. Le médecin avait seul le droit d’ordonner, et ses prescriptions étaient exé¬ cutées les unes par le chirurgien, les autres par l’apothicaire; mais cette organisation de la médecine n’était pas acceptée par tous, Mondeville et Guy de Chauliac s’élèvent énergiquement contre elle, et en réalité, dans la pratique de tous les jours, les chirurgiens agissaient le plus souvent de leur

LA CHIRURGIE A PARIS AU XIVe SIÈCLE

vu

propre initiative. Une miniature du xve siècle, que je reproduis ici, donne une juste idée de la situation réciproque du médecin, du chirurgien et de l’apo¬ thicaire. Le médecin en grand costume est au milieu, à sa droite un apothi¬ caire prépare un médicament, à sa gauche un chirurgien aiguise son couteau.

Il y a une particularité de mœurs qui doit fixer l’attention, et qui montre la distance considérable qu’il y avait entre le médecin et le chirurgien; le pre¬ mier était un personnage qui ne devait pas faire œuvre manuelle, le second n’était qu’un artisan, qui aurait obéir au médecin; il n’y avait nullement égalité entre eux.

Parmi ceux qui pratiquaient la chirurgie, les médecins-chirurgiens étaient les plus instruits, et quoique peu nombreux seuls ils ont fait faire des pro¬ grès à cette science pendant le moyen-âge; c’est dans leurs ouvrages que se trouvent ses origines, (tels ont été G. de Salicet, Lanfranc, Mondeville, Guy de Ghauliac).

Chirurgiens laïques. Lés artisans qui pratiquaient la chirurgie à Paris, depuis longtemps sans doute, se réunirent en corporation comme les autres corps de métier, au xme siècle seulement; leurs statuts se trouvent dans le Livre des métiers d’Étienne Boileau. Ils constituent le document le plus ancien concernant les chirurgiens de Paris (p. j. i). Ges statuts ont été modifiés plu¬ sieurs fois dans le xive siècle, mais on ne possède que la formule de 1379 qui est reconnue vraie et authentique par Delanoue, (p. j. xi).

La corporation est formée sur le modèle de celle des autres métiers, elle a des Maîtres, des Prud’hommes ; dans le cours du xive siècle elle multiplie les grades et institue des Bacheliers, des Licenciés; elle est fermée et se recrute elle-même.

Lors de sa formation, au xme siècle, le Prévôt de Paris, après avoir consulté les Prud’hommes du métier, a élu six Chirurgiens jurés pris parmi les meil¬ leurs et les plus loyaux, pour veiller à l’exercice de la profession et examiner ceux qui étaient indignes de pratiquer, y compris les barbiers (p. j. xii). Les femmes étaient admises à exercer la chirurgie après examen, ainsi que le prouvent l’édit de 1311 (p. j. n) et d’autres.

En outre, vceux qui pratiquaient la chirurgie s’étaient réunis en une Con¬ frérie placée sous l’invocation de saint Côme et de saint Damien, patrons des chirurgiens. La Confrérie de Saint-Côme et Saint-Damien aurait été instituée du temps de saint Louis, le 23 février 12oo, mais on ne sait rien de précis sur ses origines. D’ailleurs elle n’était pas composée exclusivement de chirur¬ giens de Paris, rar dans une charte de 1360 (p. j. v), qui en confirme l’éta¬ blissement, le Roi dit qu’il la ratifie et confirme « comme confrère d’icelle avec les chirurgiens de Paris et autres ». Le roi lui-même en faisait donc partie et d'autres encore. '

Les chirurgiens sont donc, comme on le voit, tout à fait indépendants de la Faculté de médecine, celle-ci n’intervient ni dans leur enseignement, ni dans la collation des grades. D’après l’édit de 1311, qui modifia les Statuts du xiiie siècle, les maîtres chirurgiens, jurés, sur la convocation et sous la pré¬ sidence du premier chirurgien: du Roi, se réunissent en jury pour examiner ceux qui sollicitent la Licence cT exercer , et selon le résultat de l’examen, la

INTRODUCTION

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Licence est octroyée par le chirurgien du Roi et non par un autre (p. j. h). Dans la charte de 1360 (p. j. v) les deux chirurgiens du Roi (qui étaient aussi dénommés chirurgiens jurés du Roi en son Châtelet), et le prévôt des chirur¬

giens convoquent les autres chirurgiens licenciés de Paris, pour l’examen des candidats ; mais ces modifications dans la composition du jury accordant la Licence, n’ont que peu d’importance.

Dans une charte de 1370 (p. j. vin) il est question des Bacheliers dans l’art de chirurgie; cette qualification montre que déjà les Chirurgiens avaient modifié leurs Statuts et créé des grades, c’est-à-dire bien avant qu’il soit question du Collège des Maîtres Chirurgiens ; la première mention que i’en ai trouvée est de 1533 (p. j. x).

LA CHIRURGIE A PARIS AU XIV0 SIÈCLE

D’après une charte de 1327 (p. j. m) les deux chirurgiens du Roi en son Châtelet doivent visiter tous les jours les malades de Môtel-Dieu, et par une charte de 1370 (p. j. viii) les chirurgiens visiteront et panseront gratuitement les pauvres qui ne peuvent être admis dans les hôpitaux ; par contre ils seront dispensés du guet et de la garde des portes de Paris; les Barbiers en étaient dispensés depuis cinq ans. Ainsi donc, au xive siècle, les chirurgiens du Roi étaient de droit Chirurgiens de l’Hôtel-Dieu ; nous voyons aussi que c’est à cette époque qu’il faut faire remonter Y établissement des consultations gratuites.

Tels sont les chirurgiens de Paris; ajoutons qu’ils étaient généralement peu instruits et quelquefois sans éducation, ce qui ressort nettement de ce qu’en dit Mondeville dont l’ouvrage jette sur l’histoire de la Chirurgie à cette époque un jour tout nouveau.

La corporation des chirurgiens laïques ou de Saint-Côme, malgré tous ses efforts, ne paraît pas avancer beaucoup pendant le xive siècle, le nombre de ses membres est peu considérable, dix d’après Malgaigne; les Barbiers, au con¬ traire, font des progrès, ils étaient 26 en 1301, ils sont 40 en 1395. Cepen¬ dant les chirurgiens deviennent plus exigeants, plus difficiles, ils refusent de faire certaines opérations, qu’ils abandonnent aux barbiers; plus tard ils for¬ meront les chirurgiens de robe longue et au xvie siècle lès Maîtres compose¬ ront le Collège de chirurgie.

A côté des chirurgiens laïques, un grand nombre de personnes pratiquent la chirurgie, d’abord les Barbiers, puis une quantité d’irréguliers qui sont signalés dans les arrêtés des Rois de France et dont Mondeville aussi nous montre les agissements.

Barbiers. Au xive siècle le rôle des Barbiers n’a pas encore l’importance qu’il prendra au xve et surtout au xvie, mais il commence à se dessiner et déjà ils entrent en lutte avec les chirurgiens. A cette époque, chaque bourgeois avait son barbier et c’était à lui que l’on confiait la saignée, dont presque tout le monde usait alors. Il y aurait un curieux travail à faire sur la pratique de la saignée au moyen âge, elle était si générale, si fréquente, que des arrêtés spéciaux déterminaient les heures, les endroits l’on devait jeter le sang, combien de temps on pouvait le garder (p. j. xiv) ; autant de précautions prises dans l’intérêt de l'hygiène publique. Un pareil travail serait rempli de docu¬ ments intéressants.

Les barbiers ne pratiquaient pas seulement la saignée, car les chirurgiens leur abandonnaient d’autres petites opérations, les ventouses, l’arrachement des dents, le traitement des entorses, etc., contribuant ainsi à favoriser leurs empiétements dans le domaine de la chirurgie, empiétements auxquels ils étaient toujours disposés.

Le plus ancien document qui existe sur les Barbiers est de 1301 (p. j. xi); cette pièce montre que déjà ils pouvaient prendre la qualification de Chirur¬ giens barbiers et exercer la chirurgie, après avoir passé un examen de suffi¬ sance, devant les Maîtres en chirurgie.

En 1365 les Barbiers de Paris sont dispensés du guet, parce que, dit la charte (p. j. xn), presque tous pratiquent la chirurgie et que la nuit les Chi¬ rurgiens font souvent défaut.

INTRODUCTION

C’est seulement de 1371 que datent les Statuts de la communauté des Bar¬ biers de Paris, ceux qui ont pu précéder ayant été perdus, ainsi que dit 1 ordon¬ nance (p. j. xiii). Le premier barbier du roi est garde du métier des bai biens, comme le premier chirurgien du roi est garde du métier des chirurgiens de Saint-Côme. Ces statuts sont confirmés et augmentés par une ordonnance de 1383 (p. j. xv).

Les Lettres patentes de 137:2 (p. j. xiv) sont avec la convention de 1301 les premiers documents officiels, qui montrent que déjà la lutte est engagée entre les Barbiers et les Chirurgiens.^Dans ces Lettres il est dit que les Barbiers ont coutume de traiter et guérir toutes espèces de clous, bosses et plaies ouvertes, si les plaies ne sont pas mortelles, et le Roi les maintient dans leur coutume, donnant tort aux Chirurgiens qui avaient réclamé contre eux. En effet, disent les Lettres, plusieurs pauvres gens qui ont en même temps plusieurs maladies notoirement curables par herbe ou autrement, ne pourraient en tel cas recourir aux Mires Chirurgiens jurés « qui sont gens de grant estât et de grant sallaire », comme ils recourent aux Barbiers.

Cette ordonnance montre donc qu’à la fin du xive siècle, les Chirurgiens de Saint-Côme, comme les Médecins, étaient devenus « gens de grant estât et de grant sallaire », et qu’ils refusaient souvent leur concours manuel, ce dont les Barbiers profilaient. Plus encore que les chirurgiens ceux-ci étaient ignorants et sans éducation, il suffit de lire leurs statuts, et de remarquer les conditions qu’on leur imposait.

Leur situation a grandi davantage dans les siècles suivants, d’autant que plusieurs étudièrent sérieusement et s’élevèrent, En 1494, la Faculté pres¬ crit qu’un cours de chirurgie sera fait aux barbiers; en 1S0S, ils obtiennent de nouveaux privilèges et forment la corporation des Barbiers chirurgiens,

ou Chirurgiens de robe courte, d’où va sortir À. Paré, les Chirurgiens de Saint-Côme étant les, Chirurgiens de robe longue. Ces derniers tout en fai¬ sant des cours n’ont pas encore d’enseignement officiel organisé, cependant les Maîtres ont formé le Collège des Chirurgiens jurés. En 1S77, ils sont auto¬ risés par Lettres patentes à faire des leçons, mais les cours du Collège de Chirurgie ne sont définitivement institués qu’au xvne siècle.

En résumé, on voit qu’au commencement du xive siècle, au temps de Monde- ville, la chirurgie est exercée à Paris par trois ordres de praticiens reconnus : les Chirurgiens clercs et lettrés, également Maîtres en médecine, les Chirur- ' giens de la confrérie de Saint-Côme ou Chirurgiens laïques, qui n’ont aucun rapport avec la Faculté de médecine et enfin les Barbiers chirurgiens, obte¬ nant la Licence d’exercer des chirurgiens de Saint-Côme.

Des irréguliers. La chirurgie était encore pratiquée par un nombre consi¬ dérable de charlatans, d’irréguliers, dont l’action était d’autant plus facile que l’ignorance et la superstition étaient grandes non seulement dans le peuple, mais même chez les nobles ; les -ordonnances royales en témoignent et Mondeville y insiste.

La plupart de ceux qui pratiquaient la chirurgie entraient, dit-il, dans la corporation par dés voies détournées, comme font les voleurs et les larrons. C’est ainsi qu’agissaient tous les illettrés, tels que barbiers, tireurs de sort.

CHIRURGIE À PARIS AU XIVe SIÈCLE

débauchés, trompeurs, faussaires, alchimistes, courtisanes, entremetteuses accoucheuses, vieilles femmes, juifs convertis, sarrasins, etc.

Il est a remarquer qu’il y a une certaine analogie entre ce que dit Mondeville à ce sujet, et ce qui se trouve dans l’édit de 1311, si souvent cité. Mondeville était chirurgien du Roi et ami de Pilart, il intervenait bien probablement dans ces questions; il avait même recueilli des documents en vue sans doute d’une réorganisation de la pratique de la médecine et de la chirurgie.

Mondeville ne s’en prend pas seulement aux Charlatans vulgaires, il va plus loin. Il est plus qu’étonnant, dit-il, il est absurde que non seulement ceux dont je viens de parler, mais des rois, des princes et des prélats, des chanoines; des curés, des religieux, des ducs, des nobles et des bourgeois se mêlent de chirurgie et surtout du traitement des maladies des yeux qui est si difficile que bien peu de. chirurgiens sont suffisants et experts en ces matières. Il insiste en plusieurs endroits sur la superstition du public, qui est plus dis¬ posé à croire ceux qui disent tenir leur science de Dieu même, tandis qu’il témoigne de la défiance envers les chirurgiens sérieux.

Il est nécessaire de bien se représenter cet état de la société et cette orga¬ nisation médicale pour se rendre compte des difficultés que devaient rencon¬ trer à toute heure les médecins et les chirurgiens instruits et consciencieux.

Aujourd’hui, la situation du médecin et du chirurgien est telle, qu’ils paraissent pour ainsi dire irresponsables. Aussi, nous avons quelque peine à concevoir ce qui existait* au xive siècle, à chaque instant nous voyons les Maîtres recommander de ne pas entreprendre une cure douteuse, de ne pas traiter les maladies incurables et cela parce que si la mort survient, elle sera attribuée au médecin, ce qui alors n’était pas sans danger. Force était donc de se mettre, en garde contre l’ignorance et la superstition du public.

L’opinion du peuple, dit Mondeville (p. 149), a plus de poids à elle seule et joue un plus grand rôle que tout le reste. Que jamais un chirurgien n’ait la hardiesse de faire une opération, quand bien même sa nécessité serait abso¬ lument démontrée, si le vulgaire y est opposé.

Tous les documents du moyen âge s’accordent pour montrer combien la pratique de la chirurgie présentait de dangers, dans certains milieux du moins. Ceci explique les précautions que prenaient certains chirurgiens, s’ils avaient à intervenir dans un cas grave. Malgaigne rapporte que Roland au moment de faire une opération pour une hernie du poumon (?) chez un malade que les plus habiles chirurgiens de Bologne avaient considéré comme incurable, demanda à l’évêque la permission d’opérer et se fit garantir par le malade lui-même, par son seigneur et par ses amis qui assistaient à l’opération.

Cet état de la société, en même temps que le peu d’instruction et la timi¬ dité des chirurgiens, explique aussi l’existence et la vogue des opérateurs pério- deutes , des coureurs, comme dit Guy de Chauliac, des inciseurs (p. j. xvm) que l’on retrouve jusqu’au xvme siècle. Ceux-ci s’enfuyaient lorsqu’on s’émo¬ tionnait des insuccès ou des décès qui suivaient leurs opérations.

On voit par ce qui précède que la chirurgie et les chirurgiens ne jouissaient d’aucune considération dans le peuple et même chez les grands ; le chirurgien n’était qu’un artisan et le malade ne voulait le payer que comme un manœuvre,

XII

INTRODUCTION

sans tenir compte du service rendu à sa santé. Tous les malades agissent de même, dit Mondeville, même les riches; il se montre sévère pour eux et se laisse alors entraîner trop loin à propos du salaire ; il est vrai qu’il n’a pas mis en pratique les règles qu’il propose, car sa grande et belle clientèle ne lui a pas donné la fortune. Il veut relever la chirurgie et les chirurgiens, il veut que le chirurgien soit considéré selon ses connaissances scientifiques et les services qu’il rend. Il faut, dit-il. soigner les pauvres pour rien, mais le chirurgien n’est pas tenu de soigner gratuitement le riche qui estime plus sa richesse que sa santé; dans ces conditions le chirurgien qui soigne conscien¬ cieusement son malade a le droit de se préoccuper du salaire qui lui est légitimement dû.

Il montre combien peu sont utiles en général les conseils gratuits, et il fait celte remarque « que le malade croit difficilement qu’on lui donne pour rien quelque chose de précieux ».

II. L’ENSEIGNEMENT DE LA CHIRURGIE A PARIS

AU XIVe SIÈCLE

Nous avons vu ce qu’étaient les Chirurgiens du xive siècle, nous devons maintenant rechercher à quelles sources ils puisaient leur instruction. Nous savons qu’avant l’institution des Universités il y avait à Montpellier un ensei¬ gnement libre très développé, très réputé, comprenant la médecine et la chirurgie et que l’on venait chercher de tous les points de l’Europe. Cet ensei¬ gnement persista quelque temps après l’institution des Universités. Comme à cette époque une assez grande liberté régnait sur ce point, on peut admettre que de temps à autre, dans les grands centres comme Paris, un chi¬ rurgien plus instruit, plus entreprenant que les autres, réunissait autour de lui quelques élèves; on avait ainsi des Écoles temporaires, mais on ne trouve la trace d’aucun enseignement régulier de la chirurgie. La plupart des pra¬ ticiens s’instruisaient en se plaçant comme apprentis auprès des Maîtres de la corporation des chirurgiens. D’un autre côté, il n’y avait pas de Traité de chi - rurgie d origine française, mais seulement des Pratiques , manuels de recettes et de formules, de très faible valeur.

C’est en Italie que la chirurgie est le plus étudiée; ce sont les Chirurgiens italiens du xme siècle qui, les premiers, ont commencé à réagir contre l’em¬ pirisme et l’ignorance; les chirurgiens de Salerne et de Bologne en parti¬ culier ont essayé de . fixer dans leurs écrits les principes de la chirurgie et ont montré la nécessité de son union avec l’anatomie et la médecine; c’est ainsi qu ont agi, entre autres, G. de Salicet, Hugues (de Lucques), Théodoric et Lanfranc. Ceux qui voulaient connaître la chirurgie allaient donc l’étudier en Italie, c’est ce que firent Mondeville et Guy de Chauliac.

Mais quel était l’enseignement de la chirurgie à Paris, car l’instruction que trouvait l’apprenti auprès du Maître chirurgien, était insuffisante : sur ce point les documents sont peu nombreux. On sait que Lanfranc, chassé d’Italie par la lutte des partis politiques, vint à Lyon et à Paris à la fin du xiiv siècle; il fut accueilli avec faveur par la Faculté elle-même, fut autorisé a faire un cours de chirurgie et rédigea sa Grande chirurgie. Ce cours fut fait pour les élèves de la Faculté et pour les apprentis chirurgiens. Jus¬ qu ici il représentait tout ce que l’on connaissait de l’enseignement de la chirurgie à Paris, à la fin du xme et au commencement du xive siècle. Le livre de Mondeville nous apporte des documents nouveaux, car ce livre est préci-

XIV

INTRODUCTION

sèment le cours de chirurgie fait par l’auteur lui-même. Mais dans quelles conditions ce cours a-t-il été fait?

Mondeville nous dit en 1306 qu’il appartient à l’Étude de Paris et qu’il expose publiquement la chirurgie clans les Écoles devant la plus grande et la plus noble assemblée d’étudiants en médecine et d’autres personnes distin¬ guées, il répète les mômes dires en 1312; d’un autre côté il parle de la Faculté de médecine» comme d’un corps qu’il redoute, car ayant l’intention d’écrire un ouvrage sur certaines maladies, il retarde sa publication, dans la crainte de l’intervention des Régents.

De ce qui précède, il ressort clairement que Mondeville a fait pendant plu¬ sieurs années un cours de chirurgie, dans les Écoles de Paris ; que lui-même appartient à l’Étude de Paris, qu’il est « scholaris Parisius ». Longtemps après, le 15 janvier 1390, les Chirurgiens, dans leur adresse à l’Université, disent également : « Nos vestri scholares et discipuli ». Il semble donc que ces écoles dépendaient de l’Étude ou Université de Paris, et il est probable qu’elles ne faisaient pas partie de la Faculté de médecine.

Des documents précis tirés des manuscrits de Delanoue, Prévôt des Chi¬ rurgiens et Chirurgien juré du Roi en son Châtelet, nous apprennent qu’au xvie siècle les Maîtres Chirurgiens jurés étaient associés pour former le Collège des Chirurgiens, de même que l’ensemble des Maîtres en médecine for¬ mait YÉcole de médecine. Ce collège des chirurgiens existait-il déjà au xve siècle, je ne sais. Ce qui est certain également c’est qu’au xvie siècle un cours de Chirurgie était fait dans le Collège des Chirurgiens, et qu’il fallait passer par ce cours et non par un autre pour faire partie des Maîtres. C’était le Collège des chirurgiens qui accordait après examen les degrés ordi¬ naires de Bachelier, Licencié et Maître.

. Quoiqu’on ne trouve pas de documents qui établissent l’existence de ces cours aux xive et xve siècles, il est bien probable qu’ils ont toujours existé.

Mondeville parle longuement de ceux qui étudiaient la chirurgie, des lettrés, des étudiants intelligents et ignorants et de ceux qui prétendent avoir la science infuse. Il témoigne beaucoup de sollicitude pour les hommes de bonne volonté qui veulent apprendre, c’est pour eux surtout que j’écris, dit-il, et en effet son livre est fait de telle sorte qu’il est accessible à celui qui ignore beaucoup, en même temps qu’il satisfait le lettré.

Il est donc à remarquer, d’après ce que dit Mondeville, que les cours de chirurgie étaient suivis par les étudiants clercs, élèves de la Faculté, sachant le latin et par des apprentis chirurgiens qui ne le connaissaient pas tous. Quoique Mondeville ait écrit sa chirurgie en latin, on peut supposer que dans son cours, il faisait comme Falcon au xvp siècle, lequel enseignait la Chirurgie d après Guy de Chauliac, lisant le texte latin de Guy et le commentant en français.

Pour faciliter les études des apprentis, la Chirurgie de Mondeville a du reste été transcrite en français, de son vivant môme, presque immédiatement après qu’il l’eut écrite, ainsi que le prouve un manuscrit de la Bibliothèque Nationale de 1314, qui contient la première rédaction de l’auteur (ms. 9). Cette traduction vient à l’appui de mon hypothèse, que Mondeville corn-

LA CHIRURGIE A PARIS AU XIVe SIÈCLE

mentait son cours en français, quoique ayant écrit son livre en latin; celui-ci était alors la langue des ouvrages scientifiques.

On voit de combien de difficultés toutes ces questions historiques sont entourées, et quelle prudence il faut apporter dans leur examen. Quand les documents font défaut, il faut savoir attendre, plutôt que d’édifier des con¬ clusions basées sur des hypothèses.

En résumé, l’étude de la chirurgie était difficile en France, au commence¬ ment du xive siècle; aucun auteur français n’avait -écrit un Traité chirurgie, Mondeville fut le premier; il n’y avait que des Pratiques sans valeur réelle! L’enseignement de la Chirurgie n’était pas organisé, les Facultés l’avaient éliminé de leur programme ; en même temps les préjugés de l’époque éloi¬ gnaient les hommes craintifs de la pratique de cet art; les cours de Lan- franc et de Mondeville paraissent être des exceptions: mais nous avons vu que probablement l’association des Chirurgiens a continué à avoir des Écoles, des cours et des examens.

En Italie, la chirurgie avait été honorée pendant le xme siècle, aussi les ouvrages de ses chirurgiens servaient-ils à l’enseignement ; de plus la tradition s’était conservée dans ses Écoles, et c’est qu’allaient s’instruire ceux qui voulaient connaître cette branche de la médecine. Aux ouvrages des auteurs italiens, venaient s’ajouter les traductions latines des auteurs grecs et arabes.

Si la France était en retard sur l’Italie, c’est elle qui a pris l’avance au xive siècle, par les. ouvrages de Henri de Mondeville et de Guy de Chauliac.

^ Dans ces conditions on comprend l’importance que devait avoir en France l’œuvre de Mondeville; ses manuscrits paraissent en effet avoir été nom¬ breux au xiv° siècle; dans la suite Guy de Chauliac a pris la première place.

III. DE LA SUPPURATION ET DU TRAITEMENT

DES PLAIES D’APRÈS MONDEVILLE

Pour mettre en évidence les idées et les tendances de notre chirurgien, nous ne pouvons mieux faire que d’exposer ce qu’il dit de la suppuration et du trai¬ tement des plaies ; questions qui appartiennent aux fondements de la chirurgie.

Pendant des siècles la suppuration fut considérée comme une condition naturelle, je dirais presque physiologique, du travail de cicatrisation, de sont venus les pansements avec des suppuratifs.

Cette opinion s’est perpétuée jusqu’à nos jours et aujourd’hui encore, il y a des chirurgiens qui croient que la suppuration ne peut être évitée dans les plaies contuses. Cependant elle est une complication, et dans la plupart des cas on peut la prévenir par une méthode de traitement appropriée.

Le fait de considérer la suppuration comme une complication des plaies passe pour être une conquête de la chirurgie contemporaine, mais l’histoire nous apprend que le combat engagé aujourd’hui contre la suppuration, depuis l’emploi des pansements d’A. Guérin et de Lister, a déjà eu lieu, avec les mêmes ardeurs et le même enthousiasme d’un côté, la même résistance de l’autre, et c’est la résistance qui a fini par l’emporter; la suppuration est sortie victorieuse et a régné sur les plaies encore pendant 600 ans.

Le récit de cette lutte se trouve dans l’ouvrage de Henri de Mondeville.

Déjà Théodoric, vers 1260, avait modifié le traitement des plaies employé à son époque, l’on cherchait à produire la suppuration ; il avait remplacé les suppuratifs par les pansements avec le vin et donné certains préceptes sur les¬ quels nous reviendrons tout à l’heure. Henri de Mondeville a été plus loin que son maître Théodoric et le premier, je crois, il a cherché à démontrer que la formation du pus n’était pas nécessaire dans la cicatrisation des plaies et qu’il fallait l’éviter.

Comme le traitement de Théodoric était inconnu en France, Mondeville a cherché à l’introduire dans la pratique militaire et civile. Mais ici, je veux lui laisser la parole, c est la meilleure manière de poser la question et dé¬ faire saisir l’œuvre de ce chirurgien précurseur, qui est le premier chirur¬ gien français qui ait écrit un Traité sur la chirurgie. Voici ce qu’il écrivait en 1312 :

« Il est bien périlleux pour un chirurgien d’opérer autrement que ne font d’habitude les autres chirurgiens : Nous l’avons éprouvé pour le traite-

DE LA SUPPURATION ET DU TRAITEMENT DES PLATES

xvn

ment des plaies selon la méthode de Théodoric, maître Jean Pilart et moi qui avons les premiers apporté cette méthode en France, et l’avons employée les premiers à Paris et dans plusieurs guerres, contre la volonté et l’avis de tous, en particulier des médecins. Nous avons enduré bien des dédains et des paroles honteuses de la part du peuple, et de la part de nos confrères, les chirurgiens, bien des menaces et des périls. De certaines personnes et des médecins, tous les jours et à chaque nouveau pansement, nous avons supporté des discussions et des paroles si violentes, qu’à demi vaincus et fatigués de tant d’opposition, nous avions presque renoncé à ce traitement, et nous l’eussions complètement abandonné, sans l’appui du sérénissime comte de Valois. Mais ce prince nous est venu en aide, ainsi que quelques autres personnages qui nous avaient vus dans les camps soigner les plaies suivant cette méthode. De plus nous étions soutenus par la vérité ; mais si nous n’avions été forts en la foi, renommés auprès du roi, médecins royaux et quelque peu lettrés, il nous eût fallu nécessairement abandonner ce trai¬ tement. »

Celui-ci, du reste, cessa d’être employé après la mort de Henri de Mondeville, et Guy de Chauliac, qui écrivait cinquante ans après, en parle avec un certain dédain et rejette la doctrine de Mondeville sur la suppuration.

Néanmoins ce traitement des plaies, quelque peu antiseptique, a été pratiqué par un certain nombre de chirurgiens à la fin du xme siècle et au commence¬ ment du xivc, c’est-à-dire pendant environ une cinquantaine d’années.

Voyons maintenant ce que sont la doctrine et le traitement des auteurs dont nous parlons.

À l’époque de Mondeville, il y avait deux modes de traitement des plaies, celui dit des anciens, et celui de Théodoric ou des modernes, que Mondeville a modifié.

Suivant les anciens, la suppuration est utile, et si elle ne se produit pas il faut la provoquer, d’où l’emploi des médicaments suppuratifs. Ceci établi, quand les chirurgiens anciens se trouvent en face d’une plaie, d’abord ils lais¬ sent écouler une certaine quantité de sang, afin de prévenir les complications inflammatoires, puis ils sondent la plaie, l’élargissent, et y mettent des tentes ou des plumasseaux imbibés de blanc d’œuf et de suppuratifs, le tout est maintenu par un bandage. En môme temps le malade est soumis à un régime sévère d’où la viande et le vin sont exclus; on lui donne une potion chirurgicale, un vulnéraire, dont la tradition existe encore dans le peuple.

Ce traitement entraîne toujours la suppuration et amène souvent de l'inflam¬ mation et du phlegmon.

Le traitement des modernes ou de Théodoric diffère complètement de celui des anciens, car il s’appuie sur cette doctrine, qu’on doit chercher à éviter la suppuration, au lieu de vouloir la produire.

Dans ce traitement on arrête immédiatement l’écoulement du sang, on ne sonde pas les plaies, ou du moins très rarement, on ne les élargit pas, ni on n’v met pas de tentes, au contraire on les réunit et on les suture. Les modernes considéraient contact de l’air comme la cause principale de la suppuration, ainsi que nous le croyions nous-mêmes au début de l’emploi de la méthode

NiCilSE. H. de Mondeville. b

XV!

INTRODUCTION

antiseptique actuelle, jusqu'au moment l’on a attaché une plus grande impor¬ tance à la contamination par le contact, par les mains, les instruments, etc. C’est précisément pour éviter le contact de l’air, que Théodoric recommande de réunir immédiatement la plaie. Comme topique le vin seul est employé, cl c’est à Théodoric que l’on doit ce traitement systématique; mais la plaie elle-même ne doit pas cire lavée avec le vin, j’entends la plaie récente. C’est après la suture qu’on la fomente, en dehors seulement, avec des plumasseaux imbibés de vin chaud.

Voici d’ailleurs la manière de faire le pansement : une fois la plaie débar¬ rassée des corps étrangers, on doit, avant de la fomenter, en réunir et suturer les lèvres; alors avec des compresses faites d’étoupes ou avec des plumasseaux imbibés de vin, on fomente la plaie suturée et les parties voisines. Les plumas¬ seaux exprimés sont ensuite appliqués sur la plaie et comprimés sur elle, afin d’absorber l’humidité qui peut en sortir; on répète plusieurs fois celte appli¬ cation et compression, puis on procède au pansement: les plumasseaux et compresses sont étalés, on les applique les uns sur les autres de chaque côté de la plaie, afin de comprimer davantage le fond de la plaie que la ligne de réunion. Par-dessus ces. plumasseaux, les recouvrant ainsi que la plaie, on en place 2 ou 3 autres imbibés de vin, afin de conserver la chaleur interne et de préserver la plaie contre le milieu ambiant. Enfin sur le tout on met un grand plumasseau sec qui retient la chaleur naturelle, et on enroule les bandes selon les règles.

Avec ce traitement on évite le plus souvent la suppuration, ou s’il s’en pro¬ duit elle est peu considérable. Il faut ajouter, qu’autant que possible on cherchait à obtenir la réunion des bords de la plaie au moyen des bandages, ce qui facilitait la sortie des exsudais; la suture était employée quand le bandage était insuffisant; et à propos des plaies de tête, Mondeville spécifie qu’on ne serrera pas la suture si l’on craint la suppuration.

Comme régime, Théodoric prescrit le vin et la viande, quelquefois dès le lendemain; de plus, il donne une potion vulnéraire ou un pigment, cela dans les plaies pénétrantes de la poitrine et du crâne.

Henri de Mondeville, dans son traitement, va pius loin que Théodoric. Non seulement il cherche à éviter la suppuration, mais il insiste davantage sur ce point et la considère comme inutile et dangereuse. Pour lui comme pour Théo¬ doric elle est due à Y action prolongée de l’air, ce à quoi on peut parer par la réunion rapide de la plaie. Il faut, dit-il, craindre la suppuration, qui loin de purger le corps, l'affaiblit au -contraire; on doit tout faire pour 1 éviter. Sur ces données, Mondeville a institué une méthode de traitement des plaies, grâce a laquelle il peut obtenir la guérison de toute plaie simple sans qu’il y ait de pus en quantité notable. Il ne dit pas qu’il supprime toute sup¬ puration, mais qu il en a peu, que la guérison est rapide, facile, les pansements rares, et que parfois il a obtenu la cicatrisation sans aucune suppuration avec un seul pansement.

Il y a encore une grande distance entre la méthode de Mondeville et la méthode dite antiseptique ; mais il y avait loin aussi, entre sa pratique et celle des anciens.

DE LA SUPPURATION ET DU TRAITEMENT DES PLAIES

Ce qui distingue le pansement de notre chirurgien de celui de Théodoric. c’est qu’il ne donne jamais de potion chirurgicale, ne sonde jamais les plaies et qu’il applique immédiatement sur la plaie réunie une sorte d’emplâtre anti¬ septique '.

II résume ainsi son nouveau traitement : Ne pas sonder les plaies, enlever les corps étrangers, réunir les lèvres des plaies autant que possible et suturer si c’est nécessaire, fomenter ensuite avec du vin chaud, et dessécher avec des étoupes exprimées comme nous l’avons exposé plus haut, appliquer l’emplâtre étendu sur une pièce d’étoffe et le recouvrir avec des étoupes trempées dans du vin ehaud et exprimées, placer ensuite les bandes selon les règles de l’art.

Dans le pansement des plaies de poitrine, sa pratique montre encore sa préoccupation constante de mettre les plaies à l’abri du milieu ambiant. On applique alors sur la plaie un emplâtre spécial, étendu sur un linge, et que l’on a fendu au niveau de la plaie, afin de laisser sortir l’exsudât; par-dessus on met un plumasseau d’étoupe sec, pour recevoir cet exsudât. On recouvre le tout du même emplâtre étendu sur un morceau d’étoffe, de crainte que la chaleur vitale ne s’exhale et que le froid extérieur ne pénètre; ce second emplâtre représente jusqu’à un certain point la théorie du mackintosh.

Je terminerai en rapportant ce qu’il fait dans les plaies du gros intestin. On suturera la plaie de l’intestin avec de la soie, par des points très serrés et comme les pelletiers cousent les peaux, on fomentera avec du vin chaud, on desséchera, on mettra de la poudre rouge cicatrisalive ; puis on réduira l’intestin de façon qu’il reste près du péritoine, sur les autres intestins, si possible, et aussitôt après on suturera la plaie extérieure de la paroi, de peur que l’air, qui est suppuratif et froid, n’amène de la suppuration dans le ventre et de la douleur et torsion des intestins. J’ai vu, dit-il, des plaies de ce genre, qüi avaient été immédiatement fermées et recousues d’après la méthode des modernes, guérir en très peu de temps sans douleur, avec- un seul pansement ; tandis que des malades semblables traités par la méthode des anciens, avaient le ventre rempli de pus et mouraient. Ce fait n’a pas besoin de commentaires.

Conclusion. Au xive siècle a existé une méthode de traitement des plaies basée sur cette doctrine que l’air, élément froid et suppuratif, est la cause de la suppuration et que celle-ci n’est pas un phénomène utile et nécessaire, mais doit être évitée. Les promoteurs de cette doctrine, Théodoric et Mondeville surtout, en ont déduit un traitement des plaies, avec réunion immédiate des lèvres de la plaie, avec emploi du vin chaud comme topique et application d’un pansement destiné à la fois à recevoir les sécrétions de la plaie et à la protéger contre le milieu ambiant. En général, ce traitement ne supprimait pas complètement toute excrétion, mais il donnait des résultats absolument différents de ceux du traitement des anciens.

Cette période de la chirurgie, qui fut de courte durée, est restée inconnue jusqu’à notre époque, le livre de Mondeville étant resté lui-même inédit.

L Emplâtre de Mondeville. Rp. Suc de Plantain, de Bétoine, d’Ache filtrés aa 1 livre, Résine clarifiée et Cire nouvelle pure âa 1 quart. On ajoute Térébenthine 1 livre. On étend sur un morceau d’étoffe.

IV. DES ORIGINES DE LA CHIRURGIE FRANÇAISE

Les sciences sont en transformation incessante, elles exigent des recherches et des études non interrompues, car il y a toujours des progrès à accomplir. Elles sont nées par l’accumulation successive des travaux de nos ancêtres, leurs origines réelles, leurs prémisses, sont dans ces temps éloignés que l’histoire nous a transmis. Pour ce qui concerne les sciences médicales, leurs prémisses se trouvent dans les trava-ux des médecins grecs. L’histoire de ce peuple antique est prodigieuse, il fut, on peut presque dire en toutes choses, l’initia¬ teur de la civilisation actuelle.

Je ne me propose pas de rechercher ici la naissance et le développement des principes de la chirurgie, mon but e^ plus modeste. Les vérités acquises se sont transmises pendant les premiers siècles historiques, mais il a fallu les réunir, et en faire la synthèse. Je veux seulement indiquer les ouvrages de chirurgie qui se sont succédé, et rechercher quels sont parmi eux, ceux qui ont servi de point de départ à notre littérature chirurgicale, et donné le plan d’ensemble des Traités qui servent à l’enseignement actuel de la chi¬ rurgie; quels sont les premiers chirurgiens qui ont essayé de formuler et pour ainsi dire de codifier les principes de cette. science.

Quand on lit un ouvrage ancien on a parfois une tendance à croire qu’il représente l’état de la science à l’époque il parut; c’est une erreur que la réflexion fait reconnaître immédiatement. Combien de livres écrits à notre époque, par exemple, sont faits par des auteurs très versés sur une partie de la science chirurgicale, mais qui pour les autres ne représentent pas l’état de la science prise dans son ensemble! Il en était de même autrefois. Bien des livres donc ne représentent que le degré d’instruction de leur propre auteur et ne peuvent servir à juger de ce que savent les contemporains. C’est une vérité banale, qu’on oublie quelquefois, et c’est ainsi que nombre d’erreurs historiques se propagent.

Au moyen âge en particulier, on trouve des différences extraordinaires entre des auteurs de la même époque; à côté d’œuvres remarquables qui pour¬ raient presque passer pour avoir été écrites il y a quelques années, on en trouve d’autres il n’y a qu’ignorance grossière et superstition.

Quand il s’agit d’art et de littérature on admet sans contestation que chez les anciens il y avait des hommes qui pensaient et écrivaient comme ceux de notre temps; les littérateurs, les poètes, les artistes de l’antiquité n’ont pas été dépassés, ni même atteints quelquefois, par ceux de notre siècle.

DES ORIGINES DE LA CHIRURGIE FRANÇAISE

XXL

Quand il s’agit de sciences on ne. pense plus de même et l’on est disposé à croire que notre supériorité sur les anciens est absolue. Sur ce point cependant, les idées tendent à se modifier, car' on a reconnu que plusieurs des principes fondamentaux des sciences, étaient connus depuis longtemps. Les temps modernes ont apporté des progrès considérables dans toutes les sciences, mais surtout en élargissant leur cadre, en multipliant l’application des principes fondamentaux et encore dans ce fait que la science est connue par un nombre de personnes de plus en plus grand, tandis qu’autrefois elle était, le privilège d’un petit nombre.

Pour ce qui concerne la médecine et la chirurgie, à mesure qu’on pénètre davantage chez les anciens, on reconnaît qu’il y avait parmi eux des esprits élevés et instruits; en puisant dans les ouvrages des uns et des autres on arriverait à reconstituer un Compendium l’on retrouverait les principes qui font la base de nos connaissances actuelles . '

Consacrant depuis plusieurs années une partie de mon temps aux études historiques et ayant porté surtout mes recherches sur ce qu’était la chirurgie au moyen âge, je crois pouvoir tenter un essai sur les origines de la chirurgie française. Je ne dirai que quelques mots, me réservant de reprendre cette question.

Après la chute de l’empire romain, après les destructions faites par les envahisseurs, il y eut de longs, siècles de barbarie et d’ignorance, puis peu à peu le réveil se fit, la reconstitution commença et une civilisation nouvelle, celle dont nous jouissons aujourd’hui, jeta ses racines. La période pendant laquelle les efforts furent plus marqués constitue la Pré-Renaissance; com¬ mencée au xne siècle, elle est dans tout son éclat au xme et se continue au xiv°.

La médecine et la chirurgie ont subi le sort commun, d’autant que les livres principaux étaient en langue grecque, que personne ne connaissait plus. La reconstitution fit des progrès lorsque Constantin (xie siècle) et Gérard de Crémone (xne siècle) eurent traduit en latin les ouvrages des auteurs arabes et ceux des Grecs qui avaient été translatés en arabe ; alors les écoles de Salerne et de Bologne prirent un grand essor, puis vinrent celles de Montpellier et de Paris. L’effort fait par les chirurgiens fut considérable ; commencé par les chi¬ rurgiens italiens, il fut continué par les chirurgiens français au xive siècle. Les prémisses de la chirurgie actuelle sont donc dans les livres de ces auteurs ; le plan d’ensemble d’après lequel sont établis nos livres didactiques de chi¬ rurgie générale a sa source dans les Traités de cette époque, en particulier dans l’œuvre remarquable de Guy de Chauliac, qui mérite justement le titre de Fondateur de la chirurgie didactique. Mais ici se place H. de Mondeville, à qui nous devons notre premier Traité de chirurgie, dont Guy de Chauliac a suivi le plan.

Les Grecs n’ont pas laissé de traité complet de Chirurgie; Hippocrate a écrit sur cette science plusieurs monographies fondamentales; Galien et Ori- base l’ont disséminée dans leurs ouvrages; Paul d’Égine, au vu0 siècle, lui a consacré tout son sixième livre. Celse, au ier siècle, le premier auteur latin, lui avait donné une large part dans ses écrits, en plus de ses livres YII et VIII.

Chez les Arabes, des chapitres de chirurgie sont disséminés dans les

XXII

INTRODUCTION

ouvrages de Razès, d’Haly-Abbas, d’Avicenne, Avenzoar el Averroès. Albucasis (x° siècle) a composé un Livre de Chirurgie qui est loin aussi de former un Traité complet.

En Occident, pendant les siècles de barbarie, on possède peu de moyens d’instruction, le grec est ignoré, les ouvrages grecs et arabes ne sont pas tra¬ duits, on n’a que quelques livres incomplets, quelques Pratiques et Réceptaires. Cependant l’École de Salerne commence à briller; elle se développe après les traductions de Constantin et de Gérard de Crémone. Alors seulement les études médicales se réveillent et l’on cherche à lutter contre l’empirisme aveugle. Les premiers Traités de Chirurgie sont ceux de Roger, de Roland et des Quatre Maî¬ tres (xme- siècle). Us sont bientôt dépassés par ceux de l’École de Rologne.

C’est du xin° siècle en effet que date la rénovation de la Chirurgie ; elle fut commencée parles chirurgiens italiens, parmi lesquels il faut citer surtout Guillaume de Salicet, Hugues de Lucques, Théodorie et Lanfranc ; leurs ouvrages sont en progrès les uns sur les autres; on reconnaît en les comparant, que l’on est à une période d’activité, qu’une tradition chirurgicale se forme, et se transmet des uns aux autres en se perfectionnant. Mondeville, élève des chirurgiens italiens, de Théodorie et de Lanfranc, dépasse ces derniers dans ses écrits. Quelques années plus tard, Guy de Chauliac va réunir tous les tra¬ vaux des auteurs qui l’ont précédé et en former un livre didactique qui pendant trois cents ans servira à l’enseignement de la chirurgie, par le grand nombre de ses manuscrits et par ses 69 éditions. Aussi Malgaigne a-t-il pu dire après Ackermann : Hippocrate seul excepté, il n’est pas un seul Traité de chirurgie, grec, latin ou arabe, que je mette au-dessus ou même au niveau de ce magni¬ fique ouvrage, la Chirurgie de Guy de Chauliac.

Il est à remarquer que les Traités de chirurgie du moyen âge, dont nous venons deparler, sont dus à des Maîtres en médecine qui se sont adonnés à la chirurgie; les chirurgiens laïques dont nous avons montré le peu d’instruction n'u.t rien produit de remarquable, encore moins les barbiers.

En résumé, l’impulsion est donnée par les chirurgiens italiens et français des XIIIe et xivc siècles, qui joignent leurs propres recherches à la science venue des grecs et des arabes; les principes fondamentaux de la chirurgie sont posés, le plan d’ensemble de son étude est établi pour longtemps; les ouvrages de Mondeville et de Guy de Chauliac le démontrent. Il est donc permis de dire que dans ces derniers livres spécialement se trouvent les Ori¬ gines de la chirurgie française.

V.

BIOGRAPHIE DE H. DE MONDEVILLE

On a peu de renseignements sur la vie de Henri de Mondeville, on ne sait que ce qu’il dit dans son livre. Guy de Chauliac lui avait donné une grande place dans son ouvrage, mais après lui, il est à peine fait mention de Mon¬ deville. Son nom se trouve il ést vrai dans les Dictionnaires et les ouvrages d’histoire de la médecine, mais c’est tout. Au xvin0 siècle, Marchand lui consacre un article intéressant, dans lequel il parle de plusieurs manus¬ crits. A notre époque, Malgaigne lui rend justice (1840), puis Chereau publie en 1862 une longue Notice qui rappelle raltenlion sur notre premier chi¬ rurgien; Littré, en 1881, joint son éloge à celui de Chereau et regrette que les œuvres d’un tel auteur ne soient pas encore publiées : « L'homme et l’ouvrage, dit-il, demeurent dignes de louanges, l'homme qui voyant nettement qu’il n’y avait rien dans l’éducation médicale qui ne dût appartenir à lachirurgie, a voulu faire profiter ses confrères et ses disciples des résultats d’une longue pratique tant à la ville qu’aux armées,... l’ouvrage, qui n’est point une compilation, mais l’auteur fait preuve d’indépendance, d’expérience, de jugement et de lecture. Tout inachevé qu’il est, on doit regretter qu’il soit demeuré enfermé dans les Bibliothèques, car ce monument de la chirurgie française méritait de trouver sa place parmi ceux des prédécesseurs de Guy de Chauliac. » Plus lard Corlieu fit une communication à l’Académie de Médecine; mais c’est à Pagel, de Berlin, qu’on doit de connaître mieux Mondeville, car il publia le premier le texte latin de sa Chirurgie, dont nous donnons aujourd’hui une traduction. Après six siècles d’attente, Mondeville a donc dans la littérature médicale, la place à laquelle il a droit.

Henri de Mondeville est en Normandie, et selon l’usage de l’époque on ajouta ci son nom « Henricus », celui de son pays natal, ainsi qu’on fit plus tard pour Guy de Chauliac. Mais le nom de notre chirurgien est écrit de bien des manières différentes.

D’abord on n’est pas fixé sur le lieu de sa naissance. Si l’on est d’accord pour le faire naître en Normandie, on ne sait pas exactement en quel point. Chereau pense qu’il est au petit village de Mandeville, a 4 kilomètres de Caen; Littré fait remarquer qu’il y a en Normandie un autre village du nom de Emondeville (Manche, arr. de Valognes). Dans les manuscrits on trouve sur¬ tout les noms de Mondavilla, Amondavilla, avec des variantes insignifiantes, puis Amoda villa et Mundi villa (ms. 13), Hermondaville (Guy de Chauliac), Armandaville (Chereau). Dans les tablettes de cire de 1301, se trouve le nom de Amondavilla; le manuscrit français de 1314, fait à Paris du vivant de

XXIV

INTRODUCTION

l’auteur, porte Mondeville; le catalogue de la Bibliothèque du Louvre de 1373 1 écrit Mondeville et Mandeville.

Il est difficile de se prononcer entre les noms de Mondeville et Araondavilte, qui répondent à deux villages de Normandie, d’autant que des manuscrits du vivant de l’auteur portent l’un ou l’autre de ces deux noms, Amondaville dans les tablettes, de cire de 1301 et le manuscrit 7131, et Mondeville dans le manuscrit français de 1314. Le nom « Henri de Mondeville » a prévalu, nous l’adopterons.

On ne sait H. de Mondeville a fait ses premières études de Médecine, probablement à Montpellier èt à Paris. Il devint clerc et maître en médecine; puis il alla en Italie il fut le disciple de Théodoric, qui jouissait alors d’une grande réputation et qui professait des Doctrines nouvelles dans le trai¬ tement des plaies.

Mondeville étudia la Chirurgie avec passion; elle était alors tombée très bas et était pratiquée surtout par des ignorants: Mondeville, qui semble être un homme enthousiaste, indépendant, disposé à la lutte, conçoit le projet de la relever, continuant en cela ce qu’avaient déjà tenté les chirur¬ giens italiens, Guillaume de Salicet, Hugues de Lucques, Théodoric et Lan- franc. Mais jusqu’alors personne en France n’avait rien fait pour celte science.

Le premier document qui parle de Mondeville est de 1301 ; il nous apprend que Mondeville est Chirurgien du roi. Il est porté en effet sur des tablettes de cire comme ayant accompagné le roi en Flandre, dans un voyage qu’il y fit entre le 28 avril et 29 octobre 1301, avec la reine et ses enfants. D’après ces tablettes, H. de Amondaville reçut de J. Breton, pour 234 jours passés en 1301 avec les fils du Roi et à la Cour et 9 en dehors, la somme de 41 livres 2 sols 4 deniers; les tablettes indiquent encore des services de 56 jours passés à la Cour et 9 en dehors, puis de 40 jours à la Cour et 10 en dehors 2.

En 1301, le service médical de la maison du Roi comprenait, outre H. de Mondeville, trois autres chirurgiens, Jacques de Sienne, Jean de Padoue et Jean Pitart, puis trois médecins, Jean de Paris, Guillaume de Gross et Guil¬ laume d’Aurillac, de son vrai nom Guillaume Bauffet, qui fut nommé évêque de Paris le 23 juin 1304 et mourut le 30 décembre 1319 3. Cet exemple est un

1. Van Praert, 1836. Inventaire ou catalogue, des livres de l’anc. bibl. du Louvre fait en 1373 par Gilles Mallet.

393. La cirurgie, Maître Henry de Mondeuille en caiers, sans aiz.

Inventaire de UH, 1103. La cirurgie de Henry de Mandeuille escripte de lettre de forme, a deux coulombes, historié 2 fîgurie, cOuuert de cuir rouge a empraintes, a cinq bouillons 2 fermoirs de laton.

1112. Une partie du liure de Mandeuille escript de lettre de forme a üne coulombc en cayèrs.CQuuers de pchemin.

2. Cocchi, 1746. Le Itéra v.ntica sopra un manoscrilo in cera, Firenze. P. 44 : Magister Henricus de Amondavilla pro duodocies XX et XIV diebus cum liberis Regis et in Curia et

IX diebus extra usque ad vadia XL1 1. II s. IIII d. habuit per Jo. Britonem, et pa». 14 dicitür fuisse LYI dies in Curia et IX d. extra Curiam, et pag. 24 XL dies in Curia et

X d. extra.

3. Denifle, 1891. Chartularium universitatis parisiensis, Paris, Delalain p 116 Let¬ tres de Cocchi, 1, 412. Ilist. litlér. de la France, t. XXVIII, p. .327.

BIOGRAPHIE

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des nombreux qui montrent en quel honneur était la médecine auprès de l’Église, et le rôle important que jouaient certains médecins.

H. de Mondeville conserva ses fonctions de chirurgien du Roi jusqu’à la mort de Philippe le Bel, et fut également chirurgien de son successeur, Louis le Hulin. Ces fonctions n’étaient pas permanentes, mais selon les circonstances et la nécessité le chirurgien était appelé en service auprès du Roi et des siens. C’est ainsi qu’il accompagna plusieurs fois les armées, soit avec le Roi, soit avec le comte de Yalois, et put appliquer pour la première fois en France, la méthode de Théodoric dans le traitement des plaies et cela avec un grand succès. Le service de chirurgien militaire qu’il remplit plusieurs fois, ne con¬ tribua pas peu à lui donner l’expérience dont il fait preuve à chaque page de son livre.

Après l’année 1312, il se plaint vivement du service royal, pour lequel il ne recevait rien. C’est alors qu’à son grand désespoir il perdit inutilement beau¬ coup de temps, parce que -le Roi l’envoya successivement à Arras, « apud Angliam », dans plusieurs parties de son royaume, accompagnant les armées et la- Cour. Enfin le Roi lui permit de rester définitivement à Paris. A propos du passage « apud Angliam », Malgaigne se demande si H. de Mondeville n’aurait pas accompagné le comte d’Evreux, envoyé en ambassade en Angle¬ terre en 1312. Ceci reste obscur.

Lorsque, probablement sur la recommandation de Pitart qui avait été son maître à Paris, Mondeville fut désigné pour être chirurgien du Roi, il ensei¬ gnait la médecine et la chirurgie à la Faculté de Montpellier; il y enseigna aussi l’anatomie, et faisait encore ce cours en 1304, ainsi que l’indique le manus¬ crit de Berlin (n° 13), que M. Pagel a publié. Il resta donc quelque temps à Montpellier quoique chirurgien du Roi, et ne commença à enseigner à Paris qu’en 1306. La renommée des Écoles de Médecine de Montpellier leur avait valu le privilège de fournir des médecins et des chirurgiens aux Rois de France et aux autres princes.

Mondeville fut en relations avec Bernard de Gordon, qui enseignait aussi à Montpellier, et avec Guillaume de Brescia, médecin des papes Boniface VIH, Benoît XI et Clément V ; aussi a-t-on dit que c’était d’après le conseil de ces deux savants qu’il s’était déterminé à écrire sa Chirurgie. Le ms. 13 002 (n° 4) cite G. de Brescia, comme en ayant été l’instigateur, et le ms. 7131 (n° 7) cite B. de Gordon; ces citations sont des notes marginales ajoutées aux manuscrits.

Mondeville avait une existence très occupée : en outre de ses fonctions de chirurgien du Roi et des armées, il enseignait dans les Écoles de Paris et l’anatomie et la chirurgie. Le ms. de Vienne (n° 12) dit qu’il lisait sa chi¬ rurgie en 1311, « eleganter ante fabrum ». Lui-même nous dit en 1312, qu’il a lu à Paris les deux premiers Traités de sa chirurgie publiquement, dans les écoles, sans rétribution et devant une grande et noble assemblée d’étudiants en médecine et d’autres personnes distinguées.

Sa clientèle était nombreuse grâce à la grande réputation dont il jouissait auprès des étudiants, des citoyens, des personnages de la Cour et des étran¬ gers de passage. « Parfois, dit-il, je puis à peine écrire une ligne en un jour, sans compter qu’il me faut aller dans les Écoles et courir çà et toute la jour-

XXVI

INTRODUCTION

née pour gagner ma vie, puisque je dois subvenir par mon travail a tout ce qui est nécessaire à moi et à ma maison. «

Mais sa santé s’altère et il laisse percer des inquiétudes pour la première fois dans l’Introduction du troisième Traité, écrite vers 1316, après la mort de Louis le Hulin, de l'embaumement duquel il parle. Pour des causes diverses Mondeville était resté longtemps sans travailler à sa Chirurgie commencée en 1306, il s’y remet à celle époque et une des raisons qui le déterminent, c’est, dit-il, la crainte de mourir avant d’avoir achevé son œuvre. « Mais comme je crains que la mort ne me prévienne, puisqu’il n’y a rien de plus certain que la mort, et rien de plus incertain que l’heure de la mort,. .. pour moi qui ne suis ni marié, ni prébendé, ni attaché à personne ou au service de personne, qui ne reçois aucun subside pour mes dépenses, je ne veux pas différer davantage la tâche que je me suis imposée. Poussé par la crainte de la mort et de peur que si je meurs cette chirurgie ne reste incomplète, ce qu’à Dieu ne plaise, j’entreprends de rédiger ce qui reste à rédiger, après avoir invoqué le secours du Christ. »

Dans l’Introduction de la troisième Doctrine du Traité III, H. de Mondeville parle encore de sa santé et dit que depuis trois ans, quoique languissant, sa vie se prolonge, pour ainsi dire miraculeusement, contre le jugement unanime des médecins et il supplie le Créateur que, de même qu’il a prolongé la vie du roiÉzéchias, de même il prolonge la sienne, pour le bien commun, jusqu’à ce qu’il ait achevé son ouvrage. Sa maladie paraît avoir débuté vers 1316, et comme elle dure depuis trois ans au moins, c’est donc vers 1319 ou 1326 qu’il écrit ce qui précède.

Mais le mal fait des progrès, car Mondeville ne peut rédiger la troisième Doc¬ trine du Traité III, il laisse de côté le Traité IV sur les fractures et les luxations et arrive au Traité V, à l’Anlidotaire, dont il entreprend la rédaction pour répondre aux demandes instantes de ses élèves, et parce que, dit-il, « je ne suis pas destiné à vivre longtemps, étant asthmatique, toussailleux, phtisique et en consomption ». Il ne peut môme achever l’Àntidotaire dont le chapitre X manque. On voit d’après cela que H. de Mondeville a succomber à une phtisie à marche lente.

J’ai essayé en rapprochant les passages il parle de sa santé, de la date de l’embaumement de Louis le Hulin, de déterminer l’époque de sa mort.

Louis le Hutin ayant succombé en 1316, c’est après cette date que Monde- ville écrit son Traité III dans lequel il raconte cet événement et c’est qu’il parle pour la première fois de sa santé et de sa crainte de la mort. Dans l’In¬ troduction de la 3e Doctrine, il dit, comme nous venons de le voir, que depuis trois ans sa santé est des plus précaires : en admettant qu’elle soit devenue si mauvaise immédiatement après la rédaction de la lrc Doctrine, ce serait au plus tôt en 1319 ou 1320, qu’il aurait écrit l’Introduction de la Doctrine. D’autant plus qu’étant donnée la nature de sa maladie, dont la marche est lente et lui permet de travailler un peu, on peut supposer que la période des trois années de vie languissante a été précédée par une période plus ou moins longue pendant laquelle il a rédigé les deux premières Doctrines du Traité III.

Je suis donc disposé à placer la mort de H. de Mondeville après 1320, ou au

BIOGRAPHIE

XXVII

plus tôt à cette date.. Cliereau et Pagel la placent entre 1317 et 1320; Littré pense qu’il a pu mourir après 1320.

S’il reste de l'obscurité sur la date de la mort de H. de Mondeville, celte obscurité est bien plus grande si Ton veut déterminer l’âge auquel il est mort.

Mondeville est élève de Théodoric, qui habitait Bologne et qui mourut à un âge très avancé, en 1298, à l’age de quatre-vingt-treize ans (Hirsch); il est probable qu’il ne professait ni ne pratiquait plus depuis longtemps. De plus, en 1301, nous trouvons Mondeville parmi les chirurgiens du roi, ce n’était plus probablement un jeune homme. Enfin la miniature du ms. 2030, que nous reproduisons, en frontispice et que je considère avec Malgaigne, Chereau, Littré et Pagel comme représentant H. de Mondeville, peut nous permettre de faire quelques remarques. Ce ms. est de 1314, écrit par conséquent du vivant de Mondeville qui est représenté faisant son cours. Le Maître, en robe violette, bas rouges et calotte noire, paraît ici de taille assez élevée, il est maigre, la figure est maigre et fine; la barbe est peu fournie, quoique portée tout entière; elle est grise ainsi que les cheveux, ce qu’indique nettement la minia¬ ture coloriée; si l’on voulait donner un âge à ce portrait, on pourrait pro¬ noncer celui de cinquante ans.

Étant donné donc que Mondeville a été élève de Théodoric, vers 1280 au plus tard vu l’âge de ce chirurgien, qu’il était en 1301 chirurgien du Roi, je pense qu’en 1314 Mondeville avait plus de cinquante ans ; en tenant compte de toutes ces remarques, on peut émettre l’hypothèse que notre chirurgien est mort vers l’âge de soixante ans. M. Pagel pense que, vraisemblablement vers 1270, il est mort vers 1320; mais ayant été l’élève de Théodoric, Monde- ville a naître à une date antérieure, vers 1260.

Après avoir montré Mondeville comme chirurgien du Roi et des armées, professeur dans les écoles de Montpellier et de Paris, après avoir relaté sa vie professionnelle, sa maladie, disons quelques mots de ce qu’était l’homme, le chirurgien, l’auteur.

Mondeville nous apparaît comme un esprit ardent, nourri par de nom¬ breuses lectures sur les lettres et la philosophie, en outre de la chirurgie. Son honnêteté est évidente; il parle avec franchise et personne n’échappe à ses critiques, pas même le Roi. Il s’attaque aux prêtres, aux nobles, dont il montre l’ignorance. Il fait voir combien les idées de superstition ont de puissance, lui-même semble presque complètement échapper à.ce courant; mais il conseille au médecin d’en tenir compte, si le malade ou quelqu’un de son entourage fait des remarques sur les jours lunaires ou égyptiaques, par exemple.

Il n’était pas marié, et s’en félicite grandement; plusieurs fois dans son livre, il attaque les femmes, leurs mœurs, leurs dépenses: on voit qu’il a de la rancune contre elles, et cela depuis longtemps, car il s’en prend vivement aux femmes de Montpellier.

Malgré sa grande réputation, sa clientèle nombreuse, il n’a pas amassé de- fortune et il fait remarquer qu’il est toujours obligé de travailler pour vivre. Il a conscience de sa valeur propre; il s’indigne contre les malades qui refusent au chirurgien un salaire convenable. Sa grande clientèle ne lui

XXVI11

INTRODUCTION

rapportait pas suffisamment; on peut supposer qu’il était timide au sujet de la question du salaire, aussi donne-t-il des conseils aux jeunes chirur¬ giens et dans un moment de mauvaise humeur se laisse-t-il entraîner à émettre des principes qu’il n’a pas suivis et que l’on doit rejeter.

H. de Mondeville est du petit nombre des médecins lettrés qui au moyen âge se sont adonnés à la chirurgie dont la pratique était, par suite des pré¬ jugés de l’époque, considérée comme un métier. Il l’aimait avec passion et il a voulu la relever de l’état misérable dans lequel elle était tombée. Il avait largement profité des leçons de Théodoric, et il mit en pratique dans les armées et dans sa clientèle les principes qu’il avait puisés auprès de ce maître, en cherchant à les perfectionner. C’est ainsi qu’il préconisa une méthode de pansement des plaies devant conduire à la réunion rapide ou par première intention, et qu’il soutint contre tous que l’on devait éviter la suppuration, laquelle n’était pas un phénomène nécessaire des plaies. Il considère la liga¬ ture des artères dans les amputations comme une pratique courante, et qu’on ne doit jamais négliger.

Le chirurgien doit connaître, dit-il, l’anatomie et la médecine, et le premier il traite dans son livre des questions de pathologie générale, à propos des contingents. Les règles qu’il préconise dans le traitement des maladies, ne seraient pas désavouées aujourd’hui pour la plupart. Plusieurs de ses descrip¬ tions sont remarquables, par exemple ce qu’il dit à propos de l’interrogatoire des malades, à propos de la consultation, etc.

Après un long plaidoyer en faveur de la chirurgie il termine par cette péro¬ raison :

« Vous donc, chirurgiens, si vous avez opéré consciencieusement chez les riches pour un salaire convenable, et chez les pauvres par charité, vous ne devez craindre ni le feu, ni la pluie, ni le vent; vous n’avez pas besoin d’entrer en religion, de faire des pèlerinages, parce que par votre science vous pouvez sauver vos âmes, vivre sans pauvreté et mourir dans vos maisons, vivre en paix et avec joie, et exulter parce que votre récompense est grande dans les deux. De même que Jésus Christ en faisant œuvre de chirurgien a voulu honorer les chirurgiens, de môme le roi de France les honore en guérissant les scrofules. »

Nous avons vu quelle était sa doctrine au point de vue de la suppuration et du traitement des plaies, pour le reste il adopte la doctrine humorale, il l’expose complètement et donne un chapitre remarquable sur la génération des humeurs. Il croit à la Nature médicatrice , à l’efficacité de son interven¬ tion dans les maladies. C’est la nature, la vertu (virtus) ou la force vitale (mots synonymes) qui combat contre les agents morbides et qui tend à réparer les désordres qu ils causent ; le médecin doit bien connaître ce travail naturel, le prévoir, le diriger quelquefois, mais jamais le combattre. « La nature, dit Mondeville, est comme le joueur de viole, dont la musique conduit et règle les danseurs; nous, médecins et chirurgiens, nous sommes les dan¬ seurs, et nous devons danser en mesure, quand la nature joue de la viole. »

Si Mondeville s’appuie sur Galien, il est partisan du libre examen et cherche à développer l’initiative individuelle.

Son livre donne une idée exacte de ce qu’étaient les doctrines anciennes, il

BIOGRAPHIE

XXIX

est aussi une sorte de Traité élémentaire de paLhologie générale chirurgicale et de déontologie médicale, en même temps qu’il contient une étude remar¬ quable des plaies.

Mondeyille fait preuve d’érudition, il connaissait les auteurs grecs et arabes dont les livres avaient été traduits, puis les ouvrages italiens; ses indications bibliographiques sont nombreuses, ce qui était une nouveauté pour l’époque; elles encombrent môme parfois son texte, car on ne pouvait alors se con¬ tenter d’indiquer l’édition et la page, il fallait pour guider le lecteur reproduire les premiers mots du passage cité, d’où des longueurs.

Son exposition est claire, il multiplie volontiers les détails et les définitions, comme pour enseigner des ignorants.

Son style est simple, animé, original, on ne trouve d’obscurité que dans quelques" citations; il est bref, concis; quelquefois même, dans le raisonne¬ ment, après avoir posé les prémisses,' il n’achève pas, quand la suite va de soi *. On sent qu’il est habitué à accompagner son texte de commentaires ver¬ baux, c’était du reste la manière d’enseigner au moyen âge, on lisait puis on commentait. Il use et abuse quelquefois du syllogisme, ses descriptions sont déductives, il va de division en division, faisant un raisonnement dichoto¬ mique, qui quelquefois allonge inutilement la description; c’est la méthode en usage dans les Écoles du moyen âge: Il cite souvent des vers, peut-être: quelques-uns sont-ils de lui; cette manière d’écrire était alors à la mode, comme l’a montré Gaston Paris; il aime aussi à citer des exemples, ce qui est aussi une particularité de son époque; Mondeville du reste le fait remar¬ quer; il aime également les proverbes; de temps en temps il lance une boutade et des remarques singulières, comme à propos de l’excommunica¬ tion des médecins, et des morsures clés animaux.

i. Ainsi quelquefois, il commencé une citation, et sans la terminer il écrit : etc., ut visum e3t (comme on sait, p. 107).

VI. AUTEURS CITÉS PAR MONDEVILLE

Avant d’analyser le livre de Mondeville, nous devons nous arrêter sur les auteurs qu’il a cités; par ce procédé, que j’ai suivi dans mon étude sur Guy de Ghauliac, on péut se rendre compte du de^rô d’instruction de l’auteur et savoir si son œuvre représente réellement l’état de la science au moment il vivait. On trouve dans sa Chirurgie environ 1308 citations, réparties entre 39 auteurs; nous laissons de côté quelques noms propres qui ne se rapportent pas à des écrivains. Nous passerons les auteurs en revue par ordre chro¬ nologique en indiquant leurs ouvrages et la date des traductions; chemin faisant nous signalerons les ouvrages principaux non consultés par Mondeville. Au début il annonce modestement qu’il suivra Avicenne pour l’étude de l’ana¬ tomie, Théodoric pour la description du traitement des plaies et Lanfranc pour les autres parties. Mais il a considérablement étendu ce programme, surtout par l’adjonction de chapitres originaux et de faits nouveaux” tirés de son expérience, aussi son livre est-il loin d’être une compilation, c’est une œuvre orimnale.

J-ouvrage de Mondeville montre que non seulement il était un médecin érudit et expérimenté, mais aussi qu’il cultivait les lettres et surtout la philo¬ sophie. Son livre porte l’empreinte de la Logique et de la Philosophie d’Àris-

Parmi les philosophes il cite Platon (430-348) et Diogène (413-323)

Son Philosophe favori, celui de tout le moyen âge, est Aristote, qu’on ne nomme meme pas, on dit « le Philosophe »; il le cite 47 fois et énumère un nombre relativement considérable de ses Traités : la Politique, la Métaphy¬ sique, la Physique, lElenchm (les Preuves), le Traité de Vâtne, le Traité des causes, l Ethique les Antérieurs (Priora), les Postérieurs (Posteriora), les To¬ piques, Sut les Harmonies, l’Histoire des animaux, le Traité du ciel et du

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pas l’auteur, qui est Alard de Cambrai 11 "e 110"lme

Viemient ensuite Potmmu {,„* s,), commentateur d'Aristote- Boerr ma

AUTEURS CITÉS

xxxr

de la Rose), lequel a déclié sa traduction à Philippe le Bel. Mondeville cite en outre Albert le Grand (4203-1289), pour son livre De animalibus.

Dans les Lettres, Mondeville cite Horace (66 av. J.-C.-9), Ovide (43 av. J. C.- 18), l’Art d’aimer ; puis le Remède d’amour, qu’il attribue à tort à Ovide, et qui d’après G. Paris serait à un auteur du moyen âge, du xue ou xmc s. Il y eut alors une série de poèmes de ce genre, auxquels l'Art d'aimer d’Ovide servit de point de départ. Il cite Pline (23-74) ; Lucain (38-65) ; Piiiscien, du vic s., et son commentateur Pierre Hélie; l'Art militaire de Vegèce (ivc s.), ou le De re militari, traduit par Jean de Meun sous le titre : La Che¬ valerie.

Les auteurs de médecine cités par Mondeville sont nombreux. Le premier en date est naturellement Hippocrate (460-377 av. J.-G-) ; on l’appelle encore Diodius, le divin Hippocrate. Quelques-uns de ses livres furent traduits de l’arabe par Constantin et Gérard de Crémone, mais il est connu à cette époque par les Commentaires de Galien sur les Aphorismes, les Pronostics et le Régime dans les maladies aiguës , qui étaient les seuls livres d’Hippocrate traduits en latin au commencement du xive s.

Des ouvrages des médecins alexandrins, Mondeville ne cite que le Centilo- quiam de Ptolémée (ine s. av. J.-C.).

Parmi les médecins de Rome, il cite les suivants : Dioscoride (ior s.). Il n’est connu qu’indirectement par les savants du moyen âge, car son Traité de matière médicale n’a été traduit en latin que fort tard.

Thessalus, élève de Thémison, a pratiqué la médecine à Rome sous Néron ; Galien, ennemi des méthodistes, l’a fortement attaqué.

Galien (u° s.) est le maître de la médecine arabe, et devient celui de la méde¬ cine du moyen âge quand ses ouvrages eurent ôté traduits de l’arabe en latin. D’après Corlieu \ les questions chirurgicales sont particulièrement traitées dans le Médecin (t. XIV de l’éd. Kühn), la Thérapeutique à Glaucon ( t. XI), et surtout dans la Méthode thérapeutique (t. X). Mondeville le cite 431 fois, mettant à contribution les ouvrages suivants, disposés suivant l’énumération chronologique qu’en a faite Hahn; j’y ajoute les divers titres donnés par les traducteurs et ceux qui se trouvent dans notre chirurgien :

I. De temperamentis libri lll. Constantin l’a intitulé De complcxione, M. dit De complexionibus. 11. De assuetudinibus. lll. De anatomia . IV. De juvamentis membrorum (M.), De l’utilité ou Usage des parties; traduit par Daremberg. V. De lotis affectis libri VI. Constantin lui donne le titre de De interioribm membris, employé par Mondeville; traduit par Daremberg. VI. De differentiis febrium libri II. Vit. De diebus criticis libri III. VIII. De simplicium medicamentorum temperamentis et facultatïbus libri XI. Des médicaments simples. IX. Ans medica \-Ayyri IxTO'.v.r.j, Ars parva des Arabistes, ou Traité de l’art médical. C’est probablement à Constantin qu’on doit les mots Microtechni et Techni adoptés par les Arabistes. X. Demorbo et accidenti. XI. De compositione medicamentorum jecundum généra libri VII; le Calagéni des Arabes; c’est, dit Mondeville, un Anlidotaire chirurgical. XII. De methodo medendi; Constantin lui a donné le titre de Megatechni, employé par Mon-

1. Corlieu, 1883. Les médecins grecs de 210 à 1433.

XXXII

INTRODUCTION

deville. XIII. De sanilate tuenda îibri VI. C’est le De rcgimenlo sanorum de Constantin, De ingenio sanitatis de Mondeville. ; XIV . De antidotis Iibri II. XV . De medicinis famosis (Mondev.). XVI. De e-xercitio.

Sont encore cités les Commentaires de Galien sur trois ouvrages d’Hippo¬ crate indiqués plus haut, les Aphorismes, les Pronostics et le Régime dans les ; maladies aiguës.

Le nombre des ouvrages de Galien indiqués par Mondeville est donc con¬ sidérable et tel à peu près qu’il pouvait être à son époque; les cilalions sont quelquefois assez longues; quelques-unes varient dans les divers manus¬ crits; mais ceci doit être attribué aux copistes qui ont interpolé des notes marginales. M. Pagel pense que Galien n’est cité que de seconde main, d’après les manuels de Thaddée et surtout de Jean de Saint-Amand, mais Mondeville dit expressément dans son Anlidotaire qu’il a lu la des¬ cription d’un remède dans un livre de Galien dont il a oublié le titre. Il est possible qu’il fasse plusieurs citations de seconde main, mais toutes n’ont pas cette origine.

Entre Galien et l’École de Salerne, nous avons Oribase (iv° s. ) \ traduit en arabe au ixe s., Aëtius (vie s.), Alexandre de Tralles (vic s.)I, 2, Paul d’Égine (vue s.)3; Mondeville n'en cite aucun. Il nomme Philagiuus, médecin grec du iv° s., et Philarete (vii° s.), pour son livre De pulsibus.

Mais pendant que l’Occident était dans la barbarie, la civilisation arabe arrive à son apogée, les auteurs grecs sont traduits, les Arabes eux-mêmes font des livres, et la translation en latin de ces deux sortes d’ouvrages, à la fin du xie siècle et surtout pendant le xip, vient influencer et vivifier les écoles d’Oc- cident; la médecine et la chirurgie prennent un essor plus grand.

H. de M., sur 1340 citations, en a 325 qui appartiennent aux auteurs arabes. Le plus ancien qu’il cite est Sérapion. Il s’agit de Sérapion l’Ancien, du ix° siè¬ cle, qui a été aussi désigné sous le nom de Janus Damascenüs.

Henri de Mondeville fait de ces deux noms deux auteurs différents. Il cite Sérapion 38 fois, à propos de sa Pratique et de ses Agrégations, et il cite 24 fois les Aphorismes de Damascenüs. On a publié en effet, sous le nom de Janus Damascenüs, des Aphorismes, que Leclerc rapporte à Mesuë l’Ancien. Sérapion a écrit un petit Traité, le Konnach ou Pandectes, en sept livres, qui a été traduit en latin par Gérard de Crémone, sous le titre de Breviarium, et plus tard par Alpagas, sous le titre de Practica { cité par Mondeville). Hirsch dit que les Pandectes ont aussi été traduites sous le nom de Aggregator Breviarium : ceci représente probablement les Aggregationes citées par Mon¬ deville.

Parmi les autres auteurs 'cités par Mondeville, nous trouvons :

Johannitiüs ou Joannice des documents latins, c’est Honein (809-873). Il a

I, Oribase. Ses Œuvres. Texte' grec et traduction française, par Bussemaker et Darem- berg. Paris, 6 vol., 1851-1876.

-• Alexandre (de Tralles). Texte original et traduction allemande par le Prof. Th. Pusch- mann, Vienne, 1878-79, 2 vol. Cet ouvrage mériterait, comme le dit Corlieu, d’étre tra¬ duit en français.

3. Paul d’Égine, Chirurgie, texte grec et traduction française par R. Briau, Paris, 1835.

AUTEURS CITÉS

XXXIII

fait de très nombreuses traductions du grec en arabe; son Introduction au Microtechni de Galien a été traduite en latin sous le titre de Isagoge Johan- nitii.

Jean Mesüé est cité J 3 fois, à propos de sa Pratique. Les historiens ne sont pas d’accord surles auteurs qui portent le nom de Mesuë, ni sur leurs ouvrages ; nous avons vu, en effet, que Leclerc et Würstenfeld également attribuent à Mesuë l’Ancien les Aphorismes de Jean Damascenus. Quant aux citations de Mondeville, elles paraissent se rapporter à Mesue le Jeune, du xie siècle, qui a écrit sur les médicaments. Ses ouvrages ont eu une très grande réputation au moyen âge, mais on ignore quand et par qui fut faite leur traduction latine. La Pratique médicale de Mesuë est demeurée incomplète.

M. Pagel vient de publier 1 une partie d’un manuscrit de la Bibl. nat. de Paris (ms. 7131, lat.), laquelle a pour incipit : CyrurgiaJ. Mesuë , quam magister Ferrarius Iudaeus cyrurgicus transtulit in Neapoli de Arabico in Latinum ; mais ce travail est d’origine douteuse et ne contribue pas à éclairer la question des Mesuë.

Puis vient Razès (xe s.) que Mondeville cite souvent, au moins 4o fois, à pro¬ pos du Mansoury ou des Livres dédiés à El-Mansoar (Almansor), du Livre des divisions et d’un autre qu’il intitule Des expériences, etc. Au sujet de cet auteur, nous devons faire remarquer que les chirurgiens du moyen âge ne savaient pas toujours à qui attribuer les traités qu’ils avaient dans les mains, car quelquefois les manuscrits ne portaient pas le nom de l’auteur. C’est ainsi que Henri de Mondeville attribue à Razès la Chirurgie d' Albucasis, con¬ sidérant le mot Albucasis comme désignant une chirurgie, un livre; « Chi- rurgia Albucasis dicta », écrira également plus tard Guy de Ghauliac; aussi Mondeville dit-il : « Razis in Albucasem ». En vérifiant dans la Chirurgie d’Albucasis les citations faites par Mondeville, j’ai constaté qu’elles étaient exactes, et qu’il n’y avait pas lieu d’admettre qu’ Albucasis ait fait un com¬ mentaire de Razès (p. 120).

Guy de Ghauliac a commis la même erreur, car il di t dans son résumé his¬ torique (p. 13) : On trouve ensuite Razès, Albucasis et Alcaran qui (soit qu’ils représentent un seul auteur ou plusieurs) s’est très bien comporté surtout dans les Livres à Almansor, dans les Divisions et dans la Chirurgie dite d’Albucasis.

Il est un autre ouvrage de Razès, à propos duquel Mondeville fait encore une confusion, je veux parler du Continent, ou plus exactement du Totum continens, car c’est sous ce dernier titre que ce livre est désigné par Mondeville et Guy de Ghauliac. Cet ouvrage s’appelait Helham en arabe, dit Guy de Cbauliac, ou Elangi , Elhangi, Elham, etc., selon les erreurs des copistes, car le vrai nom arabe serait Haouy. Il fut traduit en latin, au xme s., par Ferraguth sous le nom de Totum continens. Mondeville a pris Elangi pour un nom d’auteur et dit par exemple, p. 630 : « Elangi, dans son livre appelé le Totum continens ».

Haly Abbas (xe s.) a écrit un traité complet de médecine, le Kamel ou

1. Pagel, Die angebliche Chirurgie des Johannes Mesuë, Berlin, 1893, Hirschwald, in-8, 139 p. . Le Dr Pagel a fait publier le 4e livre de J. Mesuë (non contenu dans la publication précédente), par un de ses élèves, qui en a fait l’objet de sa Thèse inaug. : Dr F.-A. Sternberg, Das 4 Buch der « Angeblichen Chirurgie des Johannes Mesuë »; Berlin, 1893.

NlCAISE. H. de Mondeville. C

XXXIV

INTRODUCTION

Maleky, qui jouit d’une grande vogue jusqu’au. Canon d Avicenne, ouvrage dans lequel on retrouve l’ordre adopté par Haly Abbas dans la description des maladies. Le Maleky fut traduit en latin par Constantin, au xie s., qui lui donna le nom de Pantegni; en 1127, Étienne d’Antioche fit une nouvelle tra¬ duction latine du Maleky, sous le titre de Regalis disposition cest la traduc¬ tion citée par Mondeville ; ce dernier puise surtout dans le chapitre des Divi¬ sions de la chirurgie, qu’il ne faut pas confondre avec le livre des Divisions de Razès.

Mondeville cite un autre livre qu’il attribue à Haly, mais qui est pro¬ bablement de Razès. R dit : « Haly libro De aggregalionibus chirurgiæ , VII0 Almansoris », or les livres dédiés à Almansor sont de Razès. M. Pagel fait ici une correction, il pense qu’il est « mieux » de mettre De aggrega- toribus.

Isaac, médecin juif du xe siècle, a écrit De dietis particularibus, ouvrage qui a été commenté par J. de Saint-Amand, sous le nom de Quaestiones super Diaetas Isaaci (Paderstein).

Albücasis (xe siècle) est cité 18 fois, mais sous le nom de Razès, pour sa Chirurgie qui forme le trentième livre de son encyclopédie médicale, le Tesrif ou Azaravius. Cette Chirurgie a été traduite en latin au xil° siècle par Gérard de Crémone, et par Ghanning en 1778; en 1861, Leclerc en a donné une tra¬ duction française.

Avicenne (xl° siècle) est cité 307 fois. Mondeville dit qu’il le suit particu¬ lièrement pour l’Anatomie qui est disséminée dans le Canon ; mais il le cite très souvent encore dans les autres Traités. Son influence sur la médecine fut en effet considérable, ce qu’il dut à ses . théories philosophiques, à ses descriptions des maladies et aussi beaucoup aux classifications qu’il en a données, suivant en cela le plan tracé par Haly Abbas dans le Maleky ou Regalis dispositio. En outre du Canon, Mondeville cite le Cantique des cantiques , YAntidotaire et le livre De viribus cordis et medicinis cordialibus. Le Canon fut traduit en latin à la fin du xue siècle par Gérard de Crémone et par Alpagus.

Ali Rodoam ou Haly Rodoan, Ali ben Rodhouan, xi° siècle, est cité 38 fois, à propos de son Commentaire sur le Techni de Galien et particulièrement à pro¬ pos du Traité des signes et du Traité des causes. H. de Mondeville dit expres¬ sément (p. 143) que Haly a fait un Commentaire du Techni, et Guy de Chau- liac dit que cet Haly est Haly Rodoam (l’édition de 1339 porte Halyab. rodean tertio techni). Le Commentaire du Techni est donc de Haly Rodoam et non de Haly Abbas (p. 14). D’un autre côté, à propos du Techni de Haly, ne doit-on pas penser au Pantechni de Haly Abbas? Il reste un point à éclaircir, ce qui pourra être fait par la confrontation des textes.

Avenzoar (xic siècle) est l’auteur du Teissir, que Mondeville ne connaît pas.

Averroes (1126-1198), cité 18 fois, médecin et philosophe, est le plus grand nom de l’époque musulmane. Mondeville cite de lui le Colliget, qui répond au premier livre du Canon d’Avicenne ; la traduction latine est du xme siècle, on 1 attribue à Armengaud, médecin de Montpellier. Il cite encore un livre Sur la Thériaque et un Commentaire du Cantique des cantiques d’Avicenne.

AUTEURS CITÉS

XXXV

Rabbi Moyse Maimonide (1135-1204). Il a écrit des Aphorismes de médecine qui ont été traduits en latin sous le nom de Regimen sanitatis; a écrit aussi un traité De venenis. Le Dr Rabbinowicz a publié en 1865 une traduction du Traité des poisons de Maimonide; Heinschneider a publié en 1873 : Gifte und ihre Heilung nach Maimonides (Vircllow’s Archiv, Rd 57). •. ; :

Mondeville paraît avoir fait peu de cas des Salernitains, car il ne les cite que 25 fois :

Constantin (1015-1087) est cité 13 fois, à propos de son Traité sur les maladies des yeux et de son livre De incantationibus et conjumtionibus, sor- tilegiis, maleficis, medicinis suspensis ad collum et ad alias partes corporis.

Rartholomaeus, salernitain, est cité à propos de sa Pratique médicale , ou Introductiones et expérimenta in practicam Hippocratis, Galeni, Constantini, graecorum medicorum. Puis vient àlphanus, médecin salernitain du siècle.

Nicolas (xne siècle) a écrit un Antidotaire très réputé pendant le mbyëm âge et commenté par Mathaeus Platearius (xne siècle), qui est également l’auteur d’un traité de matière médicale : De simplici medicina liber, inscriptus Circa instans, ainsi que l’a montré le Dr Saint-Lager dans ses Recherches sur les anciens herbaria, qu’il est nécessaire de consulter ainsi que son Histoire des herbiers i, pour ce qui concerne ces questions. Dans le Circa instans il ne s’agit que de matière médicale, aussi est-ce avec raison que Pagel relève l’erreur de Mondeville qui, voulant citer (p. 665) un traité d’astronomie, parle de ce livre. Il s’agit probablement du Circa signa universalia signalé p. 180,

A l’école de Salerne nous trouvons encore Roger, le plus ancien des chirur¬ giens italiens ; il a écrit un Traité de chirurgie.

Roland, élève de Roger, aurait écrit sa Chirurgie vers 1264.

Les quatre maîtres, qui ont fait un Commentaire sur Roger et Roland; il a été publié par Daremberg 2.

Nous placerons ici Macer (Floridus) ; ce nom paraît être, d’après Choulant, le pseudonyme d’un auteur du xne siècle qui écrivit un poème, sur les. Vertus des herbes. - ;

Au xue siècle l’école de Pologne tend à remplacer l’école de Salerne ; au xme elle l’emporte sur toutes les écoles d’Italie et ne tarde pas à partager la prépondérance avec Montpellier et Paris. La chirurgie y est en honneur, ainsi que le prouvent les ouvrages qui en sont sortis et en particulier celui de Théodoric. Aussi ceux qui veulent s’instruire dans cette science vont-ils à Pologne, c’est ce que fit H. de Mondeville qui eut pour maître Théodoric. Plus tard Mundini y relèvera l’Anatomie.

Parmi les chirurgiens de Pologne,. Mondeville cite :

Hdgües de Lucques, qui meurt vers 1258; il n’a rien écrit, mais il est connu par l’ouvrage de Théodoric, son fils et son élève : c’est, dit Malgaigne, le pre¬ mier chirurgien que puisse citer l’Europe moderne avec, honneur.

Rrunus : il a écrit vers 1252 une Grande chirurgie, qui est une compilation; il a aussi donné une Petite chirurgie.

1. St-Lager, 1SSS. Histoire des herbiers, Paris, J. -B. Baillière

2. Daremberg, 1834. Glossulæ quatuor magistrorum super chirurgiam Rogerii et Rolandi. Paris.

XXXVI

INTRODUCTION

Théodoric (1208-1298) est le fils de Hugues de Lucques, qui fut aussi son maître; il entra dans l’ordre des frères prêcheurs de Bologne, à l’exemple des fils des plus nobles familles, tout en continuant à exercer la médecine; il fut nommé en 1266 évêque de Cervia, mais habita Bologne et fut un des princi¬ paux représentants de son Ecole. C’était un chirurgien de grande valeur, à l’esprit indépendant et original; nous avons vu qu’il fut le promoteur d’une méthode de traitement des plaies qui se rapproche singulièrement de la pratique actuelle. Il parle aussi pour la première fois des cures par saliva¬ tion au moyen des frictions mercurielles (Hahn). Il a écrit une chirurgie , après 1264, pour laquelle il aurait copié Brunus, d’après Guy de Cliauliac ; il est possible qu’il ait emprunté certains passages à cet auteur, mais Théodoric n’est pas un simple compilateur. Mondeville parle de sa Grande chirurgie; ce terme était employé au moyen âge pour différencier un traité complet, à la fois doctrinal et pratique, d’un petit traité se trouvaient seulement le traitement et les formules et qui était désigné sous le nom de Petite chirurgie. Plusieurs auteurs ont en effet écrit une Grande et une Petite chirurgie, mais rien ne prouve que Théodoric ait écrit une Petite chirurgie. Mondeville le cite 113 fois et dit qu’il le suivra pour ce qui concerne le traitement des plaies. Il signale aussi de lui un petit livre intitulé Des Secrets.

Guillaume de Salicet meurt vers 1276 à Vérone. Il a terminé sa Chirurgie en 127 S; elle est plus complète que celle de ses prédécesseurs. G. de Salicet est considéré comme le premier chirurgien du xiiic siècle; « valens homo fuit», dit Guy de Ghauliac. Son livre a été traduit en français par Nicolas Prévôt, médecin, Lyon, 1492; Paris, 1605, 1596.

Thaddée (1215-1295), de Florence, a écrit des manuels d’après les livres de Galien, manuels dont s’est servi Mondeville.

Mondeville cite encore Jean de Saint-Amand, médecin du xme siècle, à propos de son Commentaire sur V Antidotaire et de son livre intitulé Revoca- tivum memoriae qui a encore pour titre Abbreviationes librorum Galeni; c’est une sorte de compendium des doctrines régnantes au xme siècle.

M. Pagel croit que Mondeville a puisé des citations de Galien dans Thad¬ dée et surtout dans J. de Saint-Amand. Ce dernier auteur a été étudié par M. 0. Paderstein 1 , dans sa thèse inaugurale faite sous l’inspiration de M. Page!;' parmi les ouvrages de J. de Saint-Amand il cite YExpositio sive additio super Antidotarium Nicolai Praepositi, déjà imprimé; puis Super Rhasis Antidotarium, non encore imprimé ; les Concordantiae , et les Aureolae ou Areolae sive Tractatus de virtutibus et operationibus medicinarum simpli- cium et compositarum. MM. Paderstein, Eicksen et Müller-Kyphe publient diverses parties du Revocativum memoriae.

Lanfranc de Milan, élève, de Guillaume de Salicet, vint à Paris vers 1293 après s’être arrêté à Lyon. A Paris, il enseigna la chirurgie avec grand succès et contribua à la relever; Mondeville, qui a été son disciple, l’appelle son maître et a continué son œuvre. Les uns disent que Lanfranc fut accueilli avec

I. O. Paderstein, 1892. Ueber Johannes de Sancto Amando. Inaug. Diss. Berlin, Schuma¬ cher. Eicksen, Historisches über krisen und kritische Tage. Müller-Kynhe Ueber die ars pcirva Galeni. Pagel, Die Areolae, 1893. *

AUTEURS CITÉS

xsrvit

enthousiasme par les Maîtres en médecine et en particulier par le doyen de la Faculté, Passavant, d’autres que grâce à l’amitié de Guillaume de Brescia il fut admis au Collège de Saint-Côme. Nous avons discuté plus haut ce qu’étaient les Écoles de médecine de Paris au commencement du xiv* siècle, et montré que le Collège de Saint-Côme n’existait pas encore. Lanfranc écrivit sa Grande chirurgie peu après 1298 et mourut vers 1306. Son livre a été traduit en français par Yvoire, Lyon, 1490.

H. de Mondeville considère la Chirurgie de Lanfranc comme occupant le pre¬ mier rang avec celle de Théodoric ; c’est Lanfranc qu’il prendra pour guide dans ses trois derniers Traités, les maladies spéciales, les fractures et les luxations, et l’antidotaire; en un endroit il désigne le livre de Lanfranc sous le nom de Compendium.

Anselme de Janüa (1270-1303) ou Ancel de Gênes est également cité, puis Simon de Gênes, pour ses Synonymes-, Arnaud de Villeneuve, pour ses Apho¬ rismes.

Bernard de Gordon, professeur à Montpellier, était contemporain de Mon¬ deville, qu’il aurait poussé à écrire sa Chirurgie; mais Mondeville, d’après son caractère de novateur, ne paraissait pas avoir besoin de ce conseil, que d’autres ont dit avoir été donné par G. de Brescia. B. de Gordon a écrit un livre de médecine qui a joui d’une grande réputation, le Lilium medicinae. Les uns disent qu’il a été rédigé en 1308, mais voici ce que l’on trouve dans Texplicit de la traduction française faite en 1377 : « Gy finist la Pratique... laquelle fut accomplie en la noble estude de Montpellier, après qu’il (Gordon) eust leu l’espace de XX ans, l’an mil CGC et XXII, et translaté du latin en françois à Rome l’an mil CGCLXXVI1, et imprimé à Lyon l’an mil CGCGXGV, ,.ie dernier jour d’Aoust. » M. Pagel pense que notre auteur s’est servi du Lilium medicinae, surtout pour les chapitres lèpre, morsure de chien, etc. Mais il n’est pas certain que le Lilium medicinae fût déjà écrit; les deux auteurs ont pu puiser à une source commune. Mondeville cite aussi de lai un livre sur la Thériaque.

Guillaume de Brescia, contemporain de Mondeville, a été médecin et chape¬ lain de Clément V (p. 1).

Jean Pitart est l’un des maîtres pour lesquels Mondeville manifeste le plus de respect et d’admiration, il est le premier chirurgien de Philippe le Bel; il semble non seulement avoir enseigné Mondeville, mais aussi l’avoir protégé pendant sa carrière. Pitart est cité dans les Ordonnances que nous reprodui¬ sons aux Pièces justificatives. Quoique plus âgé que Mondeville, il mourut après lui. Jean Pitart serait encore nommé en. septembre 1328 comme chirur¬ gien du roi (in Arch. Nat.,. Paris, J. J. 6Sa, 288). L’orthographe de son nom varie, Picardi, Piccardi, Piquardi, Pitardi ut communiter legitur, dit le Père Dénifle, dans son histoire de l’Université de Paris, etc.

La liste des auteurs cités se termine par Maître Robert Faber, premier médecin du roi.

XXXVIII

INTRODUCTION

LISTE DES AUTEURS CITÉS PAR MONDEVILLK

DONT LES OUVRAGES SONT INDIQUÉS CI-DESSUS 1

Albucasis . 18

Albert le Grand . 2

Razès . . , . 7

Alpbanus . 1

Haly ben Rodhouan . 38

Haly Abbas . 12

Jean de Sainl-Amand . 2

Aristote . . 47

Avenzoar . . l

Averroès . 17

Avicenne . . . . 307

Barlholomaeus . . 3

Boëce . 1

G. de Brescia . 1

Brunus . . : . 1

Caton. . 5

Constantin . . 13

Damascène . 24

Diogène . . 3

Dioscoride . 8

Faber.R . 1

Galien . 431

Gordon . . 2

Rélie P . . 1

Hippocrate . . 68

Horace . . . l

lsaac.. . -2

Anselme -de J aima . 2

Simon de Gênes . 2

Johannitius . 2

Lanfranc . 17

Lucain . 1.

Hugues de Lucques . 4

Macer . 1

Mesuë J . 13

Rabbi-Moysc . 3

Nicolas . 3

Ovide . 8

Philagrius . 1

Philarète . I

Pifart . 3

Platearius M . 2

Platon . 3

Pline . 9

Priscien . 2

Ptolémée . 1

Quatre Maîtres . 1

Razès . 38

Roger . 2

Roland . 2

G. de Salicet . 3

Sénèque.. . 1

Sérapion . 38

Tliaddée . 1

Théodoric . 113

Thessalus . 2

Urso(?) . 1

Végèce . 1

A. de Villeneuve.. . 4

1 Cetle liste avec le nombre des citations de chaque auteur, est faite d’après celle de I édition de M. Page!; elle comprend 39 auteurs et 1308 citations. P

VIL - LA CHIRURGIE DE H. DE MONDEVILLE

Le livre commence par une Introduction dans laquelle Mondeville met son œuvre sous la protection de Dieu, de saint Côme et de saint Damien, et indique le plan général de sa chirurgie qui contiendra cinq traités; c’est le premier ouvrage de ce genre qui ait cette division. Il s’excuse de modifier ce que les anciens ont laissé, car il ajoutera les choses nouvelles qu’il a apprises par expérience ou par doctrine , c’est-à-dire par l’enseignement de ses maîtres; il annonce que son livre sera plus complet que les autres, car il a rassemblé beaucoup de secrets; à cette époque, en effet, chaque praticien prétendait avoir des secrets. Déjà il parle des rapports du chirurgien avec le malade; c’est un sujet qu’il a à cœur, car après lui avoir consacré de longues pages dans les Notables, il y reviendra souvent dans le cours du livre.

Puis vient un chapitre sur la manière de compter au moyen des chiffres arabes, ce qui était appelé alors YAlgorisme. Ces notions n’étant pas connues de tous, il les résume pour ses disciples.

Ensuite commence le premier Traité, celui de Y Anatomie. Mondeville insiste sur la nécessité pour le chirurgien de connaître le corps humain ; afin de lui en faciliter l’étude, il met en tête de sa chirurgie un résumé de ce qui est indis¬ pensable. Il le tire du premier livre d’Avicenne, dans lequel l’Anatomie est disséminée en divers endroits. Avant lui, Lanfranc, convaincu aussi de la nécessité de mettre constamment sous les yeux des chirurgiens les notions anatomiques, avait disséminé celles-ci dans les chapitres de sa Chirurgie; G. de Salicet lui avait consacré son Traité IV, très court. Mais en somma c’est surtout des œuvres de Galien que sont tirées les descriptions anatomiques des Arabes et des auteurs du moyen âge.

Mondeville cite d’autres auteurs qu Avicenne, peut-être est-ce de seconde main; il dit aussi qu’il s’appuie sur son expérience. Cependant il ne semble pas qu’il ait disséqué dans le sens que nous attachons aujourd’hui à ce mot, mais certaines descriptions de rapports de viscères semblent montrer qu’il a étudié la splanchnologie. Lorsqu’il était à Bologne avec Théodoric, Mundini n’avait pas encore commencé son cours -d’anatomie. Notre auteur a fait de cette science une étude assez complète, car il l’a enseignée à l’école de Montpellier, se servant de planches et de pièces artificielles, pour le crâne du moins ; c’était le commencement de ce qu’on a appelé de nos jours l’ana¬ tomie élastique. Les manuscrits comprennent la description de douze dessins, lesquels sont représentés par de petites miniatures dans le manuscrit 2030

INTRODUCTION

XL

(n°9) : j’en ai reproduit un spécimen, p. 13. Ces dessins ne se retrouvent pas dans les autres manuscrits, il n’y a que la place laissée en blanc pour les rece¬ voir. Quelques-uns, le 7131 et le Q 197, et d’autres qui contiennent la pre¬ mière rédaction de Mondeville indiquent 19 dessins au lieu de 12. M. Pagel donne la rubrique de ces dessins supplémentaires (p. 639).

Le traité d’anatomie, qui n’est qu’un court résumé, contient douze chapitres ; après des généralités sur les divers tissus, se trouve la description des viscères et des parties qui les contiennent ; les descriptions des membres sont très brèves. Ce Traité n’a actuellement qu’une valeur historique, c’est du reste celui qui porte le moins l’empreinte du Maître. Il présente cependant un cer¬ tain intérêt, en ce sens, qu’il donne des définitions précises des ternies em¬ ployés à cette époque, ce qui est d’autant plus utile pour la lecture des livres de ce temps que ces définitions manquaient dans Guy de Chauliac; puis il insiste sur les usages et les fonctions qu’on attribuait aux organes.

Nous dirons seulement quelques mots des termes dont la signification est la moins nette. Mondeville attribuait une grande sensibilité aux tissus blancs, nerfs, tendons, ligaments et aponévroses, et les considérait comme étant de la nature des nerfs, en admettant entre eux des différences; les tendons ou cordes étaient plus rapprochés des nerfs que les ligaments ; les tendons étaient formés par le mélange d’une partie des ligaments des jointures avec des nerfs. Il est à remarquer que M. Sappey a signalé la présence de nerfs nombreux dans les tissus fibreux, tendons et ligaments.

Du reste Galien avait déjà montré l’excessive compréhension du mot nerf dans le langage médical. Il y a trois sortes de nerfs, dit-il dans les Commen- taria in Hippocratis librum de Alimento (livre III) et dans le traité De motu musculorum (livre I) : Il y a d’abord ceux qui méritent véritablement ce nom et qui, doués d’une -vive sensibilité, naissent du cerveau et de la moelle épinière; secondement- ceux qui unissent les os et que nous appelons ligaments, ils sont dépourvus de sensibilité ; en troisième lieu il y a les cordes à sensibilité très obtuse, que nous appelons tendons. J’ai conservé quelquefois l’expression « corde » dans ma traduction. On sait que le mot nerf a encore aujourd’hui dans le langage populaire, l’acception vague autrefois dénoncée par Galien.

La chair musculaire forme les muscles et les lacertes, qui sont tout un, dit Guy de. Chauliac, nonobstant H. de Mondeville. Ce dernier en effet réserve le nom de muscles à ceux de ces organes qui sont allongés, épais au milieu et grêles aux extrémités, et qui ressemblent alors, dit-il, à un rat (mus), d’où le nom de musculus- ce qui n’est pas muscle serait lacerte, ajoute-t-il.

D’après Guy de Chauliac, lacerte viendrait de « lacertus » (lézard), et repré¬ senterait les muscles grêles et -allongés. H. de Mondeville au contraire semble réserver le nom de lacertes à des muscles larges.

Le système de la veine porte est bien indiqué. - Les humeurs sont étudiées complètement dans le premier chapitre de la doctrine II du Traité III, intitulé DE LA génération des humeurs. L’exposé est des plus intéressants.

A propos du cœur, l’auteur nous montre l 'esprit se formant dans une pré¬ tendue cavité de la paroi interventriculaire, puis pénétrant dans le ventricule gauche, d’où il est porté avec le sang par les artères dans tout le corps. Ce

LA CHIRURGIE DE H. DE MONDEVILLE

sxi

sang des artères est le sang vital, qui porte la vie ; celui des veines est le sang nutritif , qui porte la nourriture. Les artères ont deux tuniques, tandis que les veines n’en ont qu’une ; les artères doivent, en effet, résister aux mouvements violents de l’esprit du sang. L’esprit change de nom et de propriété dans chaque organe, il y a Y esprit de Y âme dans le cerveau, Y esprit nutritif dans le foie, générateur dans les testicules, etc.

Ne connaissant ni la grande, ni la petite circulation, Mondeville ne se rendait pas compte des fonctions des poumons; il croyait que l’air arrivait dans les poumons exclusivement pour rafraîchir le cœur. Avec les autres auteurs il faisait jouer un rôle important à la luette qui préparait et modifiait l’air avant sa pénétration dans la poitrine.

On comprend quelle a être l’immense révolution produite par la décou¬ verte de Harvey (1617). C’était du jour au lendemain l’effondrement de tout ce qui existait, de tout ce que l’on savait et croyait.

La digestion était mieux connue que la respiration et la circulation; la pre¬ mière digestion s’accomplit dans l’estomac, s’achève dans le cæcum; une seconde digestion se fait dans le foie, une troisième digestion s’accomplit au sein des tissus, une autre, qui s’accomplit également dans tout l’organisme, donne naissance à une superfluité qui va former le sperme.

Je renvoie pour ce qui concerne l’histoire de l’anatomie et d’autres remar¬ ques sur l’état de l’anatomie et de la physiologie au xive siècle, à ce que j’ai dit dans mon édition, de Guy de Chauliac (p. 25) et à un travail publié dans la Revue de chirurgie \

Dans le Traité II sont étudiés les plaies et les ulcères; Mondeville y a ajouté des généralités qui en réalité n’appartiennent pas spécialement à ce Traité, mais à toute la chirurgie, il les a placées en tête du Traité. Celui-ci est le plus considérable de l’ouvrage, dont il forme presque la moitié (395 p. sur 855) ; les généralités de leur côté forment un peu plus du tiers du Traité. Elles présentent un grand intérêt, tant au point de vue historique que par les enseignements que l’on peut y puiser encore aujourd’hui; c’est une des par¬ ties les plus originales du livre. Semblable exposé ne se retrouvera pas avant, longtemps dans les livres qui suivront et ne se trouve dans aucun de ceux qui ont précédé. L’auteur s’y montre tout entier, homme instruit, indépen¬ dant, critiquant l’un et l’autre, enthousiaste, quelque peu passionné môme ; son style est original, vif, animé. Il est inutile de recommander la lecture de ces pages.

Ces généralités comprennent plusieurs parties distinctes : d’abord l'Introduc¬ tion du Traité II, puis les Notables et les Contingents qui servent d’introduc¬ tion à toute la chirurgie, enfin les généralités qui s’adressent spécialement aux plaies.

Il est à remarquer que celle partie du livre a été ajoutée par Mondeville à sa première rédaction de 1306 (voy. p. li), et cela après l’année 1312; je partage sur ce point l’avis de M. Pagel. Ainsi, dans le remarquable manuscrit 7131, toutes ces généralités ne forment que 11 colonnes, tandis qu’elles remplissent

i. Nicaise, 1893. V anatomie et la physiologie au XIVe s., in Rev. de chir.

XLII

INTRODUCTION

dans mon édition, 138 pages; elles manquent également dans d’autres manus¬ crits. Guy de Chauliac, qui cite souvent Mondeville, s’est servi de la seconde rédaction, car il parle des Notables *. L’Introduction du Traité II appartient aussi à toute la chirurgie, car elle porte surtout sur les qualités que doit avoir le chirurgien.

Les Notables sont au nombre de 16, c’est surtout que Mondeville traite des rapports des chirurgiens entre eux, avec les médecins et les malades, sujet difficile, abordé avec franchise, dont l’aspect varie selon les temps; car grâce aux progrès de l’éducation, ce qui a pu être la règle il y a 600 ans est devenu, de nos temps, l’exception. Ces notables seront lus avec intérêt, ils sont sugges¬ tifs (voy. note p. 95) et contribueront à l’éducation du jeune lecteur, mais pour bien les juger il est indispensable de se reporter à la partie de mon Introduc¬ tion je parle de l’état de la chirurgie et des chirurgiens au xivc siècle. J’in¬ siste sur ce point, car sans cela on s’exposerait à juger et interpréter inexacte¬ ment les paroles de l’auteur. Mondeville narre les ruses et les fourberies des ignorants et des charlatans, des ambitieux; esprit probablement un peu caus¬ tique, il revient souvent sur ce sujet, dans maints endroits de son livre; il dit ce que beaucoup pensent et taisent par sagesse et par prudence. Il se plaint beaucoup des malades; c’est aussi une question sur laquelle les temps ont apporté de grands changements, quoique la plupart de ses critiques restent vraies. Alors, en effet, les chirurgiens étaient confondus avec les artisans et traités comme eux; aujourd’hui ils occupent une situation on pourrait presque dire privilégiée. Aussi, plusieurs des remarques de Mondeville au sujet du salaire ont moins leur raison d’être aujourd’hui ; il émet des opinions qui nous choquent, mais il dit également des choses qui sont toujours vraies. C’est avec raison qu’il parle de la légitimité des honoraires convenables et proportionnés à la fortune du malade ; mais il ne faut pas que tout soit subordonné à cela ; ce n’est pas d’ailleurs ce qu’üveut dire, mais il ose soutenir qu’il faut agir de réciprocité envers les riches qui cherchent" à tromper le médecin, et qu’on n’est pas tenu de traiter par charité ceux qui préfèrent leur richesse à leur santé.

Les Notables traitent aussi de plusieurs sujets intéressants de pathologie générale, mais c’est surtout dans les 52 Contingents qu’il en est question; il s’agit de toutes les conditions particulières qui peuvent influencer et modi¬ fier la maladie et le traitement (voy. note p. 121). L’auteur examine successi¬ vement l’influence des choses naturelles, non naturelles ou extrinsèques, contre nature, etc. Ces choses représentent les particularités qui viennent de l’orga¬ nisme même et du dehors, et renferment les conditions hygiéniques nécessaires à la santé. Elles ont continué à être ainsi dénommées jusqu’à la fin du xvm° siè¬ cle, et l on verra que les sujets traités par Mondeville se retrouvent dans les Traités actuels de pathologie générale et de séméiologie.

1. Ace propos, je signalerai une erreur commise dans mon édition de Guy de Chau-

n UWl ïït : H S l parm0 commença à Paris un traité fort notable »

(p 14), il faut . « H. de H., de Pans, commença par des Notables un traité... » - Du reste,

P 1 JaÇ0U qUe HenriC 6n S6S N^bles...>, ce qui corrigé

LA CHIRURGIE DE H. DE MONDEVILLE

XLTII

On lira les Contingents comme on aura lu les Notables, beaucoup sont à signaler; quelques-uns traitent encore de déontologie.

Enfin les généralités comprennent les préliminaires qui concernent spécia¬ lement les plaies. Après avoir dit quelques mots sur les sectes des Médecins et des Chirurgiens, Mondeville aborde un sujet nouveau, un nouveau mode de traitement systématique des plaies, basé sur la doctrine de la réunion des plaies sans suppuration, celle-ci devant être évitée comme une complication. On trouve une comparaison du traitement des plaies selon la méthode des anciens, selon celle de Théodoric, et selon la sienne propre. Inutile d’in¬ sister sur l’importance de ce chapitre; il est nouveau pour nous, il nous révèle une période de la chirurgie restée complètement inconnue.

Je renvoie à ce que j’ai dit plus haut sur ce traitement.

La première doctrine du Traité II donne d’abord l’étude détaillée des con¬ ditions à remplir dans le traitement des plaies, l’extraction des traits, l’arrêt de l’hémorragie, les topiques à appliquer, les bandages, les sutures, les potions à donner aux blessés, les évacuations auxquelles on doit les soumettre, la diète et le régime des blessés, les complications inflammatoires des plaies, la manière de les prévenir et de les traiter, enfin la manière d’obtenir la cicatrisation. Après cette élude générale, vient celle des plaies en particulier, des plaies des nerfs et des tissus blancs, des plaies de tête avec fracture du crâne. Comme elles étaient les plus communes, c’est à leur propos que Mon¬ deville entre dans le détail du pansement nouveau, dont il est le promoteur avec Théodoric. Viennent ensuite les contusions de la tête et les opérations que nécessitent les fractures du crâne, puis les plaies de la face, des veines et des artères, les plaies de la poitrine, celles du ventre; un chapitre sur les plaies dangereuses et mortelles, un autre sur les médicaments qui conviennent aux plaies, sur les complications des plaies, en particulier, le spasme et le tétanos. La première doctrine se termine par un chapitre général sur la con¬ tusion. Ces chapitres sont intéressants et dévoilent un praticien expérimenté qui n’hésite pas à donner de nombreux détails, parce qu’il s’adresse surtout à des lecteurs qui ignorent encore. Le traitement et les pansements sont tous basés sur les principes sur lesquels nous avons déjà insisté.

La seconde doctrine du Traité II ne renferme que quatre chapitres, sur les ulcères, les morsures et les piqûres, les fistules et le cancer ulcéré.

A propos du traitement de la rage, H. de Mondeville rapporte le traitement par immersion dans l’eau de mer qu’on employait alors en Normandie, et qui a continué à être en usage. Celte renommée durait encore au xvn° siècle, dit Littré (p. 349), car des dames de la cour de Louis XIV, mordues par une chienne, furent envoyées à la mer, ainsi que Mme de Sévigné nous le ra¬ conte : « Si vous croyez les filles de la reine enragées, vous croyez bien. Il y a huit jours que Mmes Du Ludre, Coetlogon et la petite de Rouvray furent mordues par une petite chienne qui était à Théobon; cette petite chienne est morte enragée, de sorte que Ludre, Coetlogon et Rouvray sont parties ce matin pour aller à Dieppe et se faire jeter trois fois dans la mer. »

Le Traité III s’occupe des maladies qui ne sont ni plaies, ni ulcères, ni mala¬ dies des os ; il est divisé en 3 doctrines : la première renferme des chapitres

XLIV

INTRODUCTION

/

divers, la seconde trailc des aposlèmes, la troisième, qui devait exposer la chi¬ rurgie spéciale, n’a malheureusement pas été écrite, mais Mondeville a voulu en donner le cadre, et il insiste sur l’importance qu’il y attache. Ce cadre est en effet plus complet que ceux qu’on trouve dans les livres qui l’ont précédé et il a servi aux auteurs qui sont venus après lui, en particulier à Guy de Chauliac.

La première doctrine renferme, avons-nous dit, des chapitres divers, aussi est-il difficile de la désigner par un nom général, cependant Mondeville l’ap¬ pelle « Doclrina decorationis ». En effet plusieurs chapitres originaux, curieux, traitent assez longuement des soins du corps, en toutes ses parties, chez l’homme et chez la femme, ce que l’on appelait alors « Decoratio ». Ces soins étaient poussés très loin à cette époque licencieuse. Paris possédait un grand nombre d’établissements portant le nom d’ « Étuves » qui étaient autant de lieux de débauche, les femmes se faisaient épiler pour plaire à leurs amants, de même qu’au xvm° siècle, sous le Régent, les gentilshommes se faisaient faire la môme opération pour plaire à leurs maîtresses.

A l’embellissement se rattache l’étude de plusieurs maladies de la peau, le prurit, la gale, l’impétigo, les dartres, la morphée, l’albarras, la lèpre, celle des poux, des cirons qui s’enfoncent sous la peau, entre les doigts (sarcopte de la gale), des brulûres, qu’il conseille de soigner au début par de l’eau chaude, au lieu d’eau froide, en application du même principe qui fait employer le froid contre les froidures; enfin vient l’étude des varioles, des rougeoles.

A propos du chapitre des dartres, Mondeville fait une incursion dans le domaine de la médecine; il étudie les humeurs peccantes, les symptômes auxquels on reconnaît quelle est l’humeur qui agit et le traitement qui con¬ vient à chacune d’elles. Il voulait d’ailleurs que le chirurgien fût un peu médecin, mais il lui conseille de rester dans ses attributions et de ne pas empiéter sur celles des médecins. Il revient plusieurs fois sur cette question, tout en défendant avec énergie la chirurgie et les chirurgiens lettrés. Aussi dit-il dans le chapitre de la dartre : le chirurgien agira « en sauvegardant toujours ici comme partout, les attributions et les droits des médecins. En effet, je ne conseille pas et il n’est pas digne que le chirurgien se mêle de ces choses, à moins qu’il ne connaisse les principes de la médecine, et encore ne le fera-t-il que dans un cas pressant ou lorsqu’on manque de médecins. »

À côté de ces chapitres, nous avons celui sur les incisions qui est en réalité un chapitre de généralités sur les opérations, puis des chapitres sur les cau¬ tères, la saignée, les sangsues, les ventouses, qui auraient été bien placés en tête de l’Antidotaire, comme l’a fait Guy de Chauliac.

Il y a un chapitre important sur l’amputation des membres et la section des os; la ligature des artères y est présentée comme une pratique admise, qui ne suscite pas de remarques. Nous sommes loin delà légende qui représente A. Paré comme employant le premier la ligature des artères dans les ampu¬ tations. Cette pratique était restée, semble-t-il, dans la tradition des cbirur giens italiens, Mondeville l’a puisée et peut-être A. Paré. Celse en parle

LA CHIRURGIE DE H. DE MONDEVILLE

XLV

aussi comme d’une chose simple, ainsi gu’Oribase, lequel rapporte la pratique d’Archigène d’Apamée, liant les vaisseaux après les amputations et plaçant un lien à la racine du membre pendant l’opération.

En un mot l’idée de lier l’artère aurait toujours existé. Ce sujet montre l’inconvénient qu’il y a, quand on lit un livre ancien, h supposer que ce livre représente l’état de la science, tandis que l’auteur n’èn connaissait bien que certaines parties. Ainsi J.-L. Petit, si expérimenté sur certaines questions, préfère la compression avec des bourdonnets à la ligature des vaisseaux; s’il fait la ligature, le fil embrasse les chairs, sans cela le vaisseau serait coupé, dit-il. Le même auteur, à propos des sutures, considère les procédés des pelletiers, etc., comme si extravagants, si cruels que pour la gloire de leurs auteurs, il est porté à croire qu’ils ne les ont jamais pratiqués. Je ne parlerai point, dit-il, de ces cruelles manières d’opérer; pour les connaître on lira les traités des opérations des anciens, on pourrait dire de leurs mar¬ tyrologes.

Un chapitre curieux décrit la conservation et la préparation des cadavres ; un autre est sur l’engraissement et l’amaigrissement du corps, sur le flegme salé. Littré (Hist. littér. de la France , t. XXVIII p. 340) rappelle que ce nom est conservé dans le nord le l’Espagne, le flema salada y désigne la pellagre ou une maladie très voisine de la pellagre.

Enfin on trouve deux chapitres sur les tumeurs, sur les verrues et les por¬ reaux et sur la tumeur simple. Ils auraient pu être rattachés à la Doctrine des apostèmes; Guy de Chauliac n’a pas de chapitre sur la tumeur simple.

La seconde doctrine du Traité III porte sur les Apostèmes, sur leurs diffé¬ rentes espèces, et sur les apostèmes propres aux diverses régions du corps. Elle commence par un important chapitre sur la génération des humeurs, c’est une étude de physiologie qui est indispensable pour aider à comprendre les opinions et les théories de cette époque. L’exposé de Mondeville est précis et clair. Après un chapitre sur l’apostème en général, quoiqu’il fasse la remarque spécieuse que l’apostème en général n’existe pas, qu’il n’y a que des apostèmes particuliers, il entre dans l'étude des différentes espèces d’apos- 'tèmes, que je résume dans le tableau ci-dessous. Après cette étude des espèces il décrit les apostèmes selon les régions : apostèmes extérieurs de la tête, apostèmes des oreilles, de la gorge, du cou, des bras, de la poitrine (avec la fistule de la poitrine), des mamelles, des parois du ventre, des testi¬ cules, de la verge, de l’anus, du périnée, des hanches, des cuisses; des cha¬ pitres sont consacrés aux apostèmes des émonetoires du cerveau, du cœur, et du foie, qui sont sous les oreilles, dans les aisselles, aux aines. A propos de ces glandes émonetoires il fait une remarque, que nous trouvons remarquable pour l’époque, parce que nous supposons à tort que les anciens pensaient autrement que nous, en même temps qu’elle montre la perspicacité de Mon¬ deville. Il dit en effet que dans les opérations sur les émonetoires, il ne faut pas enlever toute la glande, parce qu’elle sert à recevoir les superfluités des organes principaux (p. 689). C’est une' opinion qui vient de se manifester de notre temps, à propos de l’ablation du corps Thyroïde et des expériences de Brown Séquard. Chaque tissu, chaque organe est nécessaire à l’ensemble

XLVI

INTRODUCTION

de l’organisme, auquel il fournit une sorte de sécrétion interne , dit Brown Séquard.

Nous ferons précéder le tableau des apostèmes de celui des humeurs qui prennent part à leur formation.

TABLEAU DES HUMEURS D’APRÈS H. DE MONDEVILLE

S F. aqueux.

F. mueilagineux. F. vitreux.

F. gypseux.

F. salé.

f F. pontique, 2 espèces. I F. acide, 2 espèces.

ÎBile naturelle. .

(- B. citrine.

\ B. vitelline.

Bile non naturelle < B. prasine.

f B. aerugineuse.

1 B. brûlée, 3 espèces.

i naturel.

} non naturel, 3 espèces, t naturelle.

( non naturelle, S espèces.

TABLEAU DES APOSTÈMES D’APRÈS H. DE MONDEVILLE

formés par une hum. naturelle, 4

I Sang et bile, forment

l Sang et flegme subtil e . , . \ Sang et flegme épais

formes par plusieurs J Sang, flegme et mélancolie hum. natur.,9 N Bile et flegme

f Flegme épais et mélancolie

I f Non

1 formés par l maligne

( Sang subtil et chaud forme CSang épais

nonnatur-.'s ... Flegme gypseux

f f Bile t Bile tenue et liquide

V Maligne < brûlée / Bile épaisse { Mélancolie brûlée

formés par plusieurs { Les llunf1, non raalignes forment hum. nonnatur.,4. ,

t Ges hum. malignes

Phlegmon.

Erysipèle.

OEdèmes.

Squirrhe.

\ Phlegmon érysipélateux.

( Erysipèle phlegmoneux. Apost. intermédiaire. Glandes et nœuds mous. Scrofules, glandes.

Apost. insuppurable.

\ Glandes et nœuds durs" } Scrofules dures. Carboncle, anthrax. Erysipèle bâtard. Furoncle, t Goitre.

/ Tortue.

Nœuds durs.

Feu persique.

Fourmi.

Prune, t Glandes.

( Scrofules dures, t Miliaire.

/ Herpès.

Apostème cancéreux.

Cancer ulcéré. Apostème aqueux.

Apostème venteux. Verrues, porreaux. Tumeur simple.

LA CHIRURGIE DE II. DE MONDEVILLE

XLVII

Aux apostèmes étudiés daus cette doctrine, il faut ajouter ceux dont il a été question dans la Doctrine I, les verrues et les porreaux et la tumeur simple, puis le cancer ulcéré qui est placé dans la Doctrine II du Traité IL

Nous arrivons à troisième Doctrine, celle qui contient la chirurgie spéciale dont les Rubriques des 43 chapitres montrent toute l’importance qu’elle devait avoir; mais Mondeville est épuisé par la maladie, il n’écrit qu’une courte introduction il ne parle que de l’ame, de son union intime avec le corps ; on le sent en détresse, il invoque Dieu et le remercie d’avoir prolongé sa vie depuis trois ans, mais il demande encore un sursis afin de finir son livre .

Le sursis ne vint pas, nous ne possédons rien de la troisième Doctrine, ni du Traité sur les Fractures et les Luxations. D’après ce que Ton connaît de Mondeville, on doit le regretter grandement, car son livre complété eût été une œuvre magistrale, qui aurait tenu une grande place, à côté de celle qui a été occupée par Guy de Chauliac; Mondeville aurait eu, il est vrai, contre lui l’animosité des Universités ecclésiastiques du moyen âge à cause de son esprit critique, et des efforts qu’il fait pour montrer à chacun qu’il doit, tout en respectant et suivant ses maîtres, avoir ses raisons personnelles pour .se déterminer dans ses actions.

L’ouvrage se termine par TAntidotaire, qui représente une somme de tra¬ vail considérable, et dont la préparation a être longue, aussi suis-je disposé à croire qu’il était composé en grande partie lorsque Mondeville écrivait l’introduction de la 3e Doctrine du Traité III. Pareille étude ne semble pas être l’œuvre d’un phtisique anhélant, toussailleux, épuisé.

Des considérations générales servent d’introduction à TAntidotaire. Monde- ville. en montre la nécessité et dit comment il doit être édifié; il décrit les diverses espèces de topiques chirurgicaux, les procédés de combustion et de lavage des médicaments, le mode de préparation des topiques composés.

Il recommande encore une fois au chirurgien de bien se pénétrer de ce qu’il a dit dans ses Notables et ses Contingents. Il le prémunit de nouveau Contre la perfidie de son temps. Après avoir prescrit les règles qu’il doit suivre il dit : Mais ces règles ne peuvent servir aujourd’hui à cause de la méchan¬ ceté, de la perfidie et de la perversité des modernes. Étant forcés de nous mettre en garde contre la malice des hommes et de conformer notre conduite à celle de nos contemporains, comme il est préférable de tromper les trom¬ peurs, plutôt que d’être victimes de leurs fraudes, nous sommes quelquefois entraînés à dénaturer et à vicier notre art et, aujourd’hui surtout, à prendre toutes sortes de précautions. A cause de ces inquiétudes pénibles et de ces craintes, dès que nous sommes mandés auprès d’un malade nous appliquons aussitôt un topique; ces topiques alors doivent être inoffensifs.

encore il lance une apostrophe en faveur de l’initiative individuelle. Ce serait, dit-il, une absurdité et presque une hérésie de croire que Dieu glorieux et sublime, ait accordé à Galien un sublime génie à condition qu’au¬ cun mortel après lui ne découvre rien de nouveau. Quoi! Dieu aurait ainsi abandonné une partie de sa puissance ! Dieu n’a-t-il pas donné en propre, à chacun de nous, comme à Galien, un génie naturel? Misérable serait

XLVIII

INTRODUCTION

notre esprit, si nous ne devions connaître que ce qui a été découvert avant nous.

Mondeville étudie les répercussifs, les résolutifs, les maluratifs, les régé¬ nérateurs, les corrosifs, les caustiques, et les émollients ; puis dans un impor¬ tant chapitre, il expose la synonymie des noms obscurs. La maladie l’a empêché de composer le dernier chapitre.

Au moyen âge, la matière médicale jouait un rôle important et le nombre des substances qu’elle employait était considérable1; Mondeville passait pour bien les connaître, c’est pourquoi ses élèves lui réclamaient depuis longtemps un Antidotaire. Ce Traité de son livre a une très grande valeur, mais comme à chaque ligne se trouvent des mots techniques de botanique ancienne et de matière médicale, lesquels le plus souvent sont mal orthographiés ou déformés par les copistes, l’assistance d’un savant compétent était nécessaire afin de rendre celte partie du livre aussi intelligible que les autres. Le Dr Saint- Lager, de Lyon, connu depuis longtemps par ses travaux spéciaux, a bien voulu me donner son concours pour la traduction de ce cinquième Traité, et pour la révision des termes de matière médicale (V. note p. 819). Il a fait en outre une œuvre originale en établissant la concordance des noms anciens avec les noms nouveaux, travail considérable qui ne peut manquer de rendre des services à ceux qui étudieront ces questions. Ce glossaire est indispensable pour faciliter l’intelligence des termes dont plusieurs sont tombés en désué¬ tude 2 3 ou ont aujourd’hui un sens différent de celui qu’ils avaient autrefois s ;

1. Les quantités des médicaments étaient indiquées par des caractères spéciaux qui •furent employés pendant longtemps. La livre correspondant à 16 onces était représentée par le signe ft, valant 490 gr. environ-, l’once, f, valant 30 gr. 1/2; le gros ou 72 grains, 3, valant près de 4 gr. ;le scrupule, 3, valant 1 gr. 1/3; le grain, GR ou g, valant 5 cen¬ tigrammes; le 1/2 grain, fl, valant 23 milligrammes.

2. Il suffira de citer les suivants : Anabula, Acus muscata, Balaustia, Baucia , Branca Ursina, Cataputia, Gallitrichum, Gratia Dei, Memitha, Millemorbia, Malum terme , Panis porcinus, Partis Gueuli, Psidia, Pes gallinaceus, Pes columbinus, Sanamunda, Unguia cabal- lina, Uva litpina, Urtica mortua, Zizania.

3. C’est ainsi, par exemple, que les termes génériques Vitis, Viola, Urtica, Trifolium, Apium sont pris actuellement dans une acception beaucoup plus restreinte qu’au moyen âge. Le genre Vitis comprenait autrefois, outre Vitis vinifera, plusieurs plantes sarmen- teuses, notamment Vitis alba ( Bryonia diœca), Vitis nigra ( Tamus commuais).

L’appellation Viola était donnée parles anciens botanistes non seulement aux espèces qui portent encore maintenant cette dénomination, mais encore au Violier ou Giroflée jaune (Cheiranthus cheiri), à la Violette ou Julienne des Matrones [Hesperis matronalis), puis à deux Amaryllidacées dites Violettes blanches (Leucoium vernum et Galanthus nivalis).

Le genre Urtica comprenait, outre les Orties véritables ( Urtica diœca, urens et pihili- fera), plusieurs Labiacées du genre Laminm et quelques espèces de la famille des Scro- fulariacées.

Dans le genre Trifolium on faisait rentrer toutes les herbes à feuilles trifoliolées ou trilobées, c’est-à-dire celles qui composent actuellement les genres Trifolium, Medicago Lotus, Trigonella, Psoralea, Menyantlies, Oxalis et Hepatica.

Enfin sous la désignation générique Apium se trouvaient réunies des plantes actuelle¬ ment réparties parmi les Ombellacées, les Cruciacées et les Renonculacées. .

Suivant les temps et les lieux, le même noin a été donné à des plantes différentes. En Italie la Branca Ursina était 1 ’Acanthus mollis , en France et dans le centre de l’Europe c’était la Berce ou Heracleum Sphondylium. Pour les médecins arabes et salernitains le Bedegard était le Chardon Marie ( Silybum Marianum), pour les médecins français c’étnit l’Eglantier (Rosa canina). (Saint-Lager.)

LA CHIRURGIE DE H. DE MONDEVILLE

XLIX

d’autres enfla ont subi dans le langage officinal ou sous la main des copistes, des altérations qui souvent les rendent méconnaissables D’après le Dr Saint-Lager ces altérations n’ont pas été faites par H, de Mon- deville, mais existaient déjà depuis longtemps dans le langage pharmaceu¬ tique, comme on peut le constater en lisant les ouvrages des médecins de Salerne, et notamment ceux de Constantin, de Platearius et de Matthaeus Silvaticus; on les retrouve aussi dans les écrits de Vincent, de Beauvais, de Thomas de Cantimpré, de Barthélemi de Glanville, ainsi que dans les compi¬ lations appelées Herbarius, Grant Herbier, Hortus sanitatis. Certains noms de plantes, tels que Iris , Stoechas, Colocynthis, Hypocistis étaient employés inconsciemment sous la forme du génitif 2.

1. A titre d’exemple, nous trouvons dans l’édition latine de la Chirurgie de Henri de Mondeville (1892), les noms suivants dont le Dr Saint-Lager a restitué (entre parenthèses)

' l’orthographe :

Æyloceron (Ægoceras), Affodillus (Asphodelus), Alitefion (Anlhericon), Antimus (Anthé¬ mis), Argimon (Argemone), Arogon (onguent Arégon).

Botrucium (Batrachion).

Calcumenon (Chalcophonon), Camentilon (Chamæmelon), Carcamus (Carthamus), Celi- donia (Chelidonion), Centura Galli (Centrum Galli), Cicamour (Sycomorus), Currage (Cul- Rage), Cussus et Cyseos (Cissos), Cottanus (Cotoneum Malum).

Dyaquilon (Diaehylon), Dyasnuton, Dyasunton, üyasunton (Diâphoenicon), Dragonlea (Dracontium).

Enula (Inula), Escalonia (Ascalonia), Eviscus (Malvaviscus).

Gersani (Galbanum).

Iterba venti (Herba vitri), Erba oniterola (Erba vetriuola), Herbus (Ervum), Hierobrotanum (Hiera botanê), Hypoquistidos (Hypocistis).

Lardana (Bardana), Linocostis (Linozostis).

Menstruum montium (Menstruum mortuôrum).

Ndtracheon (Batrachion).

Parison (Prasion), Penteria (Parietaria), Petrosilium (Petroselinum), Perdiciados (Per- dicias).

Senaton (Senecio), Sicadis (Sicyos), Silmon (Selinon), Spimyrrha (Smyrna), Stichados (Stœchas).

Tarirais (Thermos), Triceon (Tricoccum).'v;i . f- i&'i

Yarus (Arum), Yringus (Eryngium), Ysopus (OEsypus).

2. L’ignorance de la langue grecque au moyen âge ne se trahit pas seulement par l’al¬ tération des noms pharmaceutiques ci-dessus énumérés, mais aussi par celle des termes anatomiques, médicaux et chirurgicaux, comme par exemple : anathomia, cyrurgia, fle- botomia, dyafragma, corda, epar, peryloneon, sephiros, thenantos, disci-asia , ydropicus, ysophagus, ylia, etc.

Le nom du père de la médecine était écrit Ypocrates; celui du célèbre auteur du Traité de matière médicale était écrit Dyaseorides. Le livre de Galien contenant la description des médicaments suivant, l’ordre des genres (xavà yévri) était appelé Cathageni. Le livre de Galien connu sous le nom de Grand Art (geyaXoTé'/vï)) était dit Megategni. (La lettre finale des mots Catageni et Megatechni employés par les médecins arabes et salernitains montre que déjà, au moyen âge. la voyelle i) avait le son i, comme dans le grec moderne.)

H. de Mondeville ignorait le grec comme ses contemporains. C’est ainsi, par exemple, qu’il assure que Scilla vient du mot grec spolia, donnant à entendre que le bulbe de la Scille se compose d’écailles qui se détachent facilement les unes des autres. D’après lui, Arsenicum vient de Arsen et du verbe ago. Carpobalsâmum vient du grec Carpos, qui signifie bois. On voit par que notre chirurgien confond le Carpobalsamum avec le Xylobalsamum .

Certaines erreurs sont si grossières que vraisemblablement elles doivent être imputées aux copistes, comme par exemple l’inversion faite au 190 du Glossaire : « Staphis agria est appelé en grec Passula montana »; ou certaines altérations qui dénotent une ignorance complète des termes les plus usités dans le langage officinal : Dyasnuton pour Diaphœ- nicon (Saint-Lager).

NlCAISE. H. de Mondeville. d

INTRODUCTION

Ces erreurs n’ayant pas été signalées dans l’édition latine publiée en 1892, il nous a paru utile de lés corriger. Toutefois, nous avons eu soin de faire connaître la forme archaïque par laquelle l’auteur a exprimé sa pensée.

Tous ceux qui ont essayé de lire les écrits des naturalistes et des médecins antérieurs à l’époque de la Renaissance savent quelle difficulté ils ont eue à trouver dans la nomenclature moderne les équivalents des anciens termes pharmaceutiques. C’est pourquoi nous nous plaisons à espérer que les expli¬ cations données dans le Glossaire par le Dr Saint-Lager seront bien accueillies, non seulement parce qu’elles faciliteront l’intelligence de l’ouvrage de H. de Mondeville, mais aussi parce que, réunies à celles que nous avions déjà don¬ nées en 1890 dans la Grande Chirurgie de Guy de Chauliac, ainsi qu’à celles qui se trouvent en plusieurs écrits du Dr Saint-Lager concernant la nomen¬ clature . botanique et zoologique, elles pourront servir à ceux qui voudront étudier la Matière médicale.

Tel est le livre de H. de Mondeville. Une dernière question reste à examiner : pourquoi ce livre a-t-il été laissé de côté et jamais imprimé. On a dit qu’il était incomplet, mais tel qu’il est il forme un tout avec ses généralités, son étude des plaies et des tumeurs, son antidotaire, et sur ces chapitres il est ou égal ou supérieur aux autres livres du moyen âge.

On peut supposer que la rivalité qui existait entre les médecins et les chirurgiens a été pour quelque chose dans cet abandon; Mondeville défend énergiquement la chirurgie, ce qu’il dit ne devait pas plaire à la Faculté, en lutte constante avec les chirurgiens ; dans les Universités, l’autorité ecclésias¬ tique préférait Guy de Chauliac, plus classique, plus modéré, qui ne cherche pas à réveiller autant le libre examen. Mais alors, dira-t-on, les chirurgiens auraient s emparer de ce livre, leur défense est présentée de façon si vive; mais il semble qu’ils ne le connaissaient pas, car Guy de Chauliac, le seul auteur qui lait largement utilisé, néglige précisément de parler des parties qui lui donnent son cachet le plus original.

VIII. BIBLIOGRAPHIE DE L’OEUVRE DE HENRI DE MONDEVILLE

La Bibliographie. de l’œuvre de Henri de Mondeville sera courte; elle com¬ prend 18 manuscrits et 2 imprimés. M. Pagel n’a trouvé en effet que 18 copies et après avoir fait les mêmes recherches que lui et avoir adressé une lettre circulaire aux Directeurs des principales Bibliothèques d’Europe je n’ai rien trouvé à ajouter, sauf que le manuscrit actuel du British Muséum (n° 14) est une traduction hollandaise.

MANUSCRITS

Il est nécessaire pour juger les manuscrits de Mondeville, de rappeler les conditions dans lesquelles cet auteur a composé son livre; on reconnaîtra qu’il a fait deux rédactions, la première de 1306 à 1308, la seconde de 1312 à 1320.

Il a commencé son Traité en 1306, puis Ta interrompu; en 1308, il allait jusqu’à la fin de la Doctrine I du Traité II, ainsi que le montre le manuscrit d’Erfurt (n0 8). En 1312 il achève et complète les deux premiers Traités; puis nouvelle interruption; en 1314 la première Doctrine du Traité III n’était pas rédigée, sauf le chapitre des Incisions, ce que montre le manuscrit fran¬ çais 2030; c’est après la mort de Louis le Hutin (1316) qu’il travaille à ce troi¬ sième Traité, dans l’Introduction duquel il parle pour la première fois de sa santé ; il rédige alors les Doctrines I et II et plus tard dans l’Introduction de la IIIe il dit qu’il est malade depuis trois ans. Comme la première allusion à sa maladie est de 1316, au moment il écrit ce qui précédé, on est en 1319 ou 1320. C’est quelque temps après cette époque qu’il a terminé sa Chi¬ rurgie commencée en 1306.

En examinant les manuscrits qui sont parvenus jusqu’à nous, on constate que les principaux peuvent être divisés en deux groupes, les manuscrits complets et ceux qui ne comprennent que les deux premiers Traités incom¬ plets. Or ces derniers sont tous antérieurs à 1316, ils ne peuvent donc être

lii

INTRODUCTION

des résumés des manuscrits complets. En outre, suivant ce que dit Monde- ville dans son ouvrage, on est conduit à penser que ces manuscrits sont une première rédaction de sa chirurgie. En 1312, 1316 et les années sui¬ vantes il achève et complète son œuvre et l’on a alors les manuscrits com¬ plets, dont la similitude entre eux est évidente ; c’est la seconde édition manuscrite, donnée par Mondeville. La plus ancienne de ces copies est le manuscrit 1487 de la Bibliothèque nationale (n° 1). Après la publication des manuscrits complets, les premiers ont être tout fait abandonnés; du reste, il n’en existe aucune copie postérieure à 1314. Ce qui confirme cette manière devoir, c’est que nous voyons Guy de Chauliac, qui cite si souvent Mondeville, le faire d’après l’édition complète, se trouvent les Notabilia , les manuscrits de la première rédaction ayant à leur place des Advertanda.

Cette opinion qui représente Mondeville revoyant et complétant ses deux premiers Traités en 1312, etc., a été soutenue par M. Pagel, et c’est celle à laquelle je me suis rallié.

Parmi les manuscrits les plus anciens, n05 7, 8, 9 de mon catalogùe, le manuscrit 7131 de notre Bibliothèque nationale mérite de fixer l’attention. En effet, autour d’un texte occupant le milieu de la page, se trouvent des notes nombreuses, placées partout, même sur des petits morceaux de parchemin, ajoutés à la page ; ces notes se rencontrent à toutes les pages du Ier et du IIe Traité. Elles sont de deux écritures, les unes de la même écriture que celle qui occupe le centre de la page se rapportent au texte écrit avant 1308, les autres sont de la même écriture que celle de la 2e Doctrine du Traité II écrite en 1312. Ce manuscrit a donc appartenu à deux personnes, puis¬ qu’il est de deux écritures; il n’y a pas de ratures; le texte est donc copié, ce n’est pas un original de Mondeville.

Enfin ce manuscrit si intéressant a été lui-même copié, avec intercalation des notes dans le texte, aux renvois indiqués, et cette copie forme le manuscrit d’Erfurt, Q. 197 (n° 8); la traduction française de 1314 présente une grande analogie de texte avec le manuscrit 7131.

Ce dernier permet de faire une autre remarque générale, qui rend compte de la manière dont se faisaient les interpolations. Sur un manuscrit avec marges, le possesseur inscrit des notes quelconques, le copiste qui vient ensuite les insère dans le texte. C’est ainsi que le manuscrit d’Erfurt, Q. 197, avons-nous dit, renferme entre ses lignes et non plus en marge les additions du manuscrit 7131; c’est ainsi que le manuscrit 13 002 (n° 4) renferme des interpolations de la Chirurgie de Lanfranc, et la note concernant G. de- Brescia, qui se retrouve dans l’édit, de 1892 (p. 10).

On dit de certains manuscrits que ce sont des cahiers de cours, des cahiers de notes prises au cours. Mais à l’époque nous sommes, au commence¬ ment du xive siècle, il n’y avait pas de papier, le parchemin était rare et cher (G. de Ch., 1890, p,. cvn), et toutes les miniatures qui nous représentent des cours, et elles sont nombreuses, nous montrent toujours les étudiants écou¬ tant, mais sans prendre de notes. Ce qui servait généralement à cette époque pour prendre les notes provisoires, c’était des tablettes de cire, sur lesquelles on écrivait avec un stylet. Puis, les notes recopiées, ou devenues inutiles, on

BIBLIOGRAPHIE

LIU

les effaçait en chauffant légèrement la cire et la comprimant un peu, de façon à faire disparaître tous les traits du stylet.

D’un autre côté, il est certain que des étudiants studieux copiaient des manuscrits, ou rédigeaient sur du parchemin des notes prises par eux, ou prêtées par le Maître. Ainsi la Bibliothèque de l’Université d’Erlangen pos¬ sède un manuscrit de la Grande Chirurgie de Guy de Ghauliac qui a été copié à Montpellier par un étudiant, Jean Frawenburg de Hesse, lequel était venu dans celte Université pour y étudier la médecine. De môme, la Bibliothèque d’Erfurt possède un manuscrit, Q. 210 (n° 16), qui comprend un résumé de l’anatomie de H. de Mondeville, d’après le cours qu’il a fait en 1304.

I. Manuscrits complets (A).

(Seconde rédaction de Mondeville.)

Manus. Bibl. nat. de Paris, 1487, n. a., latin.

Le premier feuillet contenant le commencement de l’Introduction manque; il manque aussi un feuillet entre ceux qui sont paginés 90 et 91.

A la tin : « Explicit ».

Manuscrit du xive siècle, 219 feuillets, in-fol. , parchemin, lettres gothiques, 2 colonnes.

Dans la lre doct. du traité II, les commentaires interlinéaires ainsi que les Expli¬ cations ou Déclarations préalables sont en caractères plus petits que la Pratique proprement dite, le « nudus tractatus ». Il en est de môme dans trois autres mss., les nos 7131, 7139 et Q. 197 d’Erfurt.

Ce manuscrit, d’une lecture facile, renferme peu de fautes, il m’a servi pendant tout le temps de ma traduction. La similitude du texte de ce ms. avec celui des mss nos 7139, 7130 et 16642 est remarquable.

Manus. Bibl. nat., 7139, latin.

Incipit : « Incipit cyrurgia magistri Henrici de Amondavilla ».

Manuscrit du xive ou du xve siècle, in-4°, 215 feuillets, parchemin, lettres gothiques, 2 colonnes.

La lre doct. du traité II est écrite en caractères de deux grosseurs, comme dans le ms. 1487. Au fol. 149 existe une lacune qui est comblée par une addition faite sur un petit feuillet séparé. La même lacune se retrouve dans le ms. de Berlin (Pagel).

Sur le feuillet qui précède le feuillet 1, se trouve cette note : « Chirurgia Hen¬ rici de Amondavilla, Chirurgi Philippi IV Régis Francorum, an 1306. Codex scriptus XV saeculo post medium. »

Ce manuscrit a appartenu à Jacques Mentel, de Château-Thierry; il a servi à Littré pour son étude sur Henri de Mondeville.

Manus. Bibl. nat., 7130, latin.

Pas d’incipit. A la tin : « Explicit ».

Manuscrit du xve siècle, in-fol., 147 feuillets, parchemin, écriture cursive, 2 colonnes. La pagination Commence par le chiffre 180. L’anatomie va jusqu’au folio 193b; les notabilia vont du folio 194b au f. 214a; dans l’antidotaire manquent les folios 315 et 316.

Ce manuscrit a été particulièrement utilisé par Chereau, pour son travail sur Henri de Mondeville.

INTRODUCTION

LIV

Manus. Bibl. nat., 13 002, latin.

Explicit : « Et sit finis Deo gratias

Finito libro sit laus et gloria Christo »

S. bertries.

Manuscrit du xv° siècle, 244 feuillets, in-4, papier. Henri de Mondeville est dési¬ gné sous le nom de Henri de Amondaville. Au début de l’Introduction, il est dit dans le texte que c’est à la requête de Guillaume de Brescia que Henri de Monde- ville entreprit son livre. Ceci est une interpolation (voy. p. 1); il y a, du reste, dans le texte.de longues interpolations de la Grande Chirurgie de Lanfranc (Pagel).

Ce manuscrit s’éloigne un peu comme correction du texte des mss 1487, 7130, 7139, qui sont remarquables par leur accord (voy. p. 123, 176, 177).

II. Chirurgie complète, sans l’anatomie (1).

Manus. Bibl. nat., 16642, latin.

L’Introduction et le Traité de l’Anatomie manquent.

Le manuscrit commence par l’Introduction du Traité II, et se continue sans inter¬ ruption jusqu’à la fin.

Incipit : « In nomine domini amen serenissimo domino nostro philippo dei gralia francorum régi ex parte cirurgici sui Henrici de Mondavilla incipit ».

Explicit : « Deo gratias ».

Dum dolet medico inflrmus medicus sit pignore firmus.

Nam quum sanus erit in vanum munera querit.

Manuscrit probablement du xve siècle, in-4, 758 pages, papier et parchemin, écri¬ ture cursive, 2 colonnes. Son texte concorde avec celui des mss 1487, 7130, 7139, mais certains passages manquent.

En tête de la première page se trouve une miniature qui représente le maître devant cinq élèves.

Ce manuscrit a appartenu à Jean Bude (24 février 1488), audiencier de Charles Vlll, puis à Jacques Dioneau (1581), conseiller et chirurgien des rois Charles IX et Henri III.

III. Chirurgie incomplète (1).

Manus. Bibl. royale de Berlin, 66, latin.

Manuscrit du xive siècle, 174 feuillets, parchemin, lettres gothiques.

Ce manuscrit est incomplet et incorrect. Le traité d’anatomie manque : dans le second traité, les notables, les déclarations préliminaires et interlinéaires manquent. A partir du feuillet 40 le texte est assez correct, dit M. Pagel, qui l’utilise, en le complétant par les leçons des mss de Paris.

IV. Manuscrits contenant les traités I et II (3).

(Première rédaction de Mondeville.)

Manus. Bibl. nat., 7131, latin.

Renferme 13 ouvrages de différents auteurs. La Chirurgie d’Henry de Mondeville commence le volume.

BIBLIOGRAPHIE

LV

lucipit : « In nomine Domini, Amen. Serenissimo domino nostro Philippo, Dei gracia Francorum régi, ex parte cyrurgici sui, Henrici de Amondavilla. Incipit practica cyrurgie lheorice roborata, édita ad utilitatem coramunem, incepla Pari- sius, anno post incarnalionem millesimo trecentesimo VI0. »

Au bas du premier feuillet on trouve cette note : « Et ad pelicionem et precep- tum scientifîci viri magistri Bernardi de Gordonio, in preclarissimo studio Montis- pessulani summi professons in sciencia medicine ».

Manuscrit du xiv° siècle, le plus ancien ; parchemin, 166 feuillets; les 56 premiers contiennent unè partie de l’œuvre de Mondeville; l’anatomie est écrite sur 2 colonnes avec des notes nombreuses sur les marges. Dans le Traité II, Ire Doc¬ trine, la partie pratique, le « nudus tractatus », est écrite en gros caractères et occupe le milieu de la page, laissant en dehors et en bas de larges marges se trouve un abrégé des Notables, des Déclarations préliminaires et des Explica¬ tions inlerlinéaires. Les Notables commencent par « Adverlandum » au lieu de « Notandum ».

La disposition de ce manuscrit est conforme à ce que dit Mondeville (p. 89, 405), il semble donc qu’il se servait pour ses Lectures d’un ms. ayant celte disposition sur les marges duquel il inscrivait, à l’occasion, des addénda et des notes. (Dans les mss 1487 et 7139, il y a également deux écritures, le texte . fin se trouve non en marge, mais entre les parties de texte en grosse écriture.)

Dans ce manuscrit 7131, la 2e Doctrine du Traité II (fol. 46-56) est en écriture fine et d’une autre main; elle y est entière, jusqu’à la fin du ch. 4.

Dans l’anatomie il n’y a pas de figures, mais des places sont réservées pour 19 figures, dont Pagel donne la rubrique (p. 639 de son édition), tandis que les mss complets et définitifs de Mondeville n’indiquent que 13 figures. Dans le Tr. II, Doct. 1, ch. 5, fol. 31r, sont quatre petites figures au trait, des instruments ser¬ vant à la trépanation.

Le manuscrit 7131 est presque identique à celui d’Erfuit, Amplon., Q. 197 : ces mss renferment les mêmes matières; la doctrine 2 du traité II est dans ces deux mss d’une écriture différente de ce qui précède.

D’après M. Pagel, il s’agirait de cahiers d’écolier, ou plutôt d’un texte pri¬ mitif plus court, écrit par Henri de Mondeville, vers 1306-1308. H aurait ajouté plus tard la Doctrine 2 du Traité II; en 1312, les deux premiers traités auraient été complétés et achevés (p. 405). J’ai montré plus haut (p. li) qu’il s’agit, en effet, d’une sorte de première rédaction.

Dans ces deux mss, le texte de l’anatomie et celui de la partie pratique de la Doctrine 1 du Traité II (nudus tractatus) est à peu près identique au texte corres¬ pondant des mss complets et de la traduction française faite en 1314, qui ne com¬ prend en plus que le chap. 1 du Traité 111.

8°Manns. Erfurt, Bibl. Amploniana, Q. 197, latin.

Manuscrit du xive siècle, de l’an 1308, parchemin, in-4. Il contient trois ouvrages : celui de Henri de Mondeville va du fol. 63 au fol. 138 : l’anatomie, fol. 63-78;’ la chirurgie, fol. 78-138. Celle-ci ne contient que le Traité 11.

A la fin de la Doctrine 1 de ce Traité se trouve la mention de l’achèvement de la copie du ms. : « anno domini millesimo tricentesimo octavo die sabbali ante festum beati Clari ». Suivent encore 10 feuillets comprenant la Doctrine 2 du Traité II, d’une main différente et avec beaucoup d’abréviations.

La Doctrine 1 du Traité II est écrite en deux caractères de grosseur différente, comme dans les mss 1487, 7139, 7131.

Ce manuscrit très incomplet est presque identique au ms. 7131 (Pagel).

I.VI

INTRODUCTION

Manus. Bibl. nat., 2030j français.

Fol. 2, Incipit : « Le proheme de ceste cyrurgie au nom de nostre seigneur amen. A noslre très serenissime Seigneur phelippe par la grâce de dieu des francois roy est commencie la pratique de cyrurgie de par Henri de Mondeville son cyrur- gien roboree par théorique faite à l’ utilité du commun commencie a paris en lan 1306 ».

Cet incipit est reproduit au bas de la seconde colonne du verso du fol. 4, à la lia de la table des matières contenues dans le volume.

Fol. 33 v°, à la fin du traité de l’Anatomie, au commencement de la seconde colonne, on lit : « Explicit ceste translation de latin en francois fut acomplie en lan de. 1314 le jeudi darrain jour docloure vegille de toux sains en viron nonne de jour. »

Dom. Scriptori débet* de meliori.

Fol. 108, à la fin : « Explicit et cetera. »

Manuscrit du xiv° siècle, 1314, 108 f., parchemin, belle écriture gothique, 2 co¬ lonnes.

Ce manuscrit contient l’Introduction générale, le chapitre sur l'algorisme, et les deux premiers traités sans les notables, ni les déclarations, comme les mss 7131 et le Q. 197 d’Erfurt. Il a en plus qu’eux le ch. 1 de la Doct. 1 du Traité IH, « des Inci¬ sions » (fol. 102-1Q8), qui probablement n’était pas rédigé lors de la Copie de ces deux mss.

L’incipit du ms. 2030 est la traduction exacte de celui du ms. 7131.

Le Traité d’anatomie renferme 14 miniatures de 4à5 centim. de côté; la première que nous reproduisons (p. 13, voir la note) représente le chirurgien et un corps nu; les 13 autres représentent les principaux dessins dont Henri de Mondeville se ser¬ vait pour faire son cours. 3e dis les principaux, parce que le ms. 7131 (n° 7) laisse 19 places pour recevoir les dessins anatomiques ; il y en avait donc d’autres en dehors des 13 du ms. 2030. En outre, Henri de Mondeville se servait d’un crâne arti¬ ficiel pour l’étude de l’anatomie de la tête.

Sur le verso du premier folio se trouve une miniature qui représente le maitre devant ses élèves, je la reproduis en frontispice. Étant donné que ce manuscrit est fait en 1314, du vivant de Mondeville, je considère cette miniature comme repré¬ sentant Mondeville , c’est du reste l’opinion de tous ceux .qui ont examiné ce manuscrit. Cette miniature ne ressemble pas aux figures de convention que l’on trouve souvent dans les manuscrits et dont j’ai reproduit plusieurs dans mou édition de Guy de Chauliae.

Y. Fragments de chirurgie .(1).

<0° Manus. Erfurt, Bibl. Amploniana, Q. 230, latin.

Xe volume renferme 13 travaux. Le 13*, fol. 166 à 170, contient un fragment de la Chirurgie de Henri de Mondeville (Tr. II, Doct. 2, ch. 2, p. 440-432) avec la «uscrin tmn : Cure-lesionum ab aliquibus brutis, etc.; ce fragment s’étend dans mon édi¬ tion, depuis p. 440 : « Le traitement curatif des lésions faites par les animaux » jusqu’à p. 432, 1. 19 : « 11 convient aussi... V. . P animaux... »,

Manuscrit du xive siècle, écrit en 1393, 180 f., papier.

BIBLIOGRAPHIE

Lvir

VI. Anatomie complète (4).

.11° Manus. Bibl. nat., 6910 A, latin, in-fol.

Le volume contient divers ouvrages : fol. 59-75, l’anatomie de Henri de Monde- ville; fol. 75 verso. Explicit anathomia Henri de M. Fol. 76, commence la Chi¬ rurgie de Guy de Chauliac (édit. 1890, p. exi, 16).

Manuscrit du xve siècle, parchemin, capitales ornées, coloriées, écriture fine et serrée, vides pour les figures. Le premier folio du volume, non paginé, porte au verso une belle miniature du corps humain sur lequel sont dessinés les signes du zodiaque, elle est reproduite dans mon édition du G. de Ch., p. 560, et dans l’édit, actuelle p. 499.

12° Manus. K. K. Hof Bibliolhek de Vienne, cod. Pal. Vind., 2466, latin.

Le volume renferme plusieurs manuscrits; Y Anatomie de Henri de Mondeville remplit les feuillets 1-24.

Incipit : In nominc domini amen serenissimo domino noslro Philippo. Dei gralia Francorum régi, ex parte cyrurgici sui Henrici de Amonda villa. Incipit practica cyrur- gie theorice roborata édita in utilitatem communem, incepta Parisius anno Domini M°CCG0VI° quae fuit eleganter ab illo lecla ibidem. Anno Domini M°CGC0XI° in civitate ante fabrum.

Gommence par : « In honorem laudem et gloriam Jesu Ghristi... » et finit fol. 24 verso : « in algorismo sic.

Explicit anathomia magistri Henrici de Amondavilla Deo gratias. »

Manuscrit du xive siècle, 160 fol. in-4, 2 colonnes; la place des lettres initiales et des figures, est laissée vide.

V. Tabulae codicum manuscriptorum praeter graecos et orientales in biblioteca Palatina Windobonensi asservatorum (voL II, p. 79).

Ce manuscrit dit que Henri de Mondeville a commencé son anatomie à Paris en 1306, et qu’en 1311 il la lisait dans la même ville.

13° Manus. Standbibliothek de Berne, 227, latin.

Le volume renferme 7 manuscrits d’écritures différentes, le sixième, des f. 53* à 74a, contient l’anatomie de Henri de Mondeville.

F. 53a. Incipit anathomia magistri Henrici de Mundi Villa.

F. 74. Explicit anathomia tolis corporis humani ceterarum que ejus partium compilala a magistro henrico de amoda villa normonno illustrissimi philippi regis francorum cirurgico quam composuit et régit parisius a. d. MCCCVI deo gratias et marie ejus matri. «

Manuscrit du xve siècle, in-4, papier, 127 f., gothique, une colonne. En note : Fuit Darbali doctoris a. 1472.

(VL Catalogus codicum Bernensium, bibliotheca Boagarsiana, edidit et praefatus est Hermannus Hàgen, etc., Bern, 1875, 227.)

Ce manuscrit, que j’ai compulsé à Berne, eonlient le texte de l’anatomie de Mon¬ deville telle qu’elle se trouve dans sa rédaction de 1306.; en outre, l’Explicit nous dit que Henri de Mondeville était Normand. L’incipit lui donne le nom de « Henricus de Mundi Villa »; l’explicit, celui de « Henricus de Amoda Villa ».

lvih

introduction:

14° Manus. British Muséum, Golton Galba E. XIII, hollandais.

Le volume renferme plusieurs travaux sur la médecine, traduits en « Dutch ».

Les f. 1 à 17" contiennent Yanatomie de Henri de Mondeville.

Fol. 1. lncipit : « Henricus de Mundavilla des aider eydelst vorseids conines cyrur- gien studerendet wornende in die aider... ensle steide parijs ende aider werdichste studie also nu ».

Fol. 17. « Explicit anatomia Henrici. »

Manuscrit du commencement du xvc siècle, gr. in-4, 151 fol., velin, 3 colonnes de 60 .lignes en moyenne. La traduction en bas allemand (hollandais, flamand) semble correspondre au texte latin publié par M. Pagel.

Ce manuscrit a souffert beaucoup de l’incendie de 1731 .

M. Pagel do.nne, p. 631, l’indication suivante, d’après un catalogue de 1802 : « Galba E XIII. Codex membran. in-fol. min. in capsula : the remains of a medical MS. faid to be Hen. de Mundaville’s practice of surgery (partly Latin and parlly Dutch) »; à la p. 651 il dit : « 18, London Cotton Galba E. XXII (British Muséum), theils deutsch, theils engliscb.

Chereau dit de son côté, p. 26 : « In catalogus librorum manuscriptorum Angliae, 1697, in-fol. lij, p. 110, 4161, in-fol. A Treatise of chirurgery trans- lated into english out of latin from de Amanda villa, the french King’s surgeon. »

La description du ms., telle que je la donne, est extraite d’une correspondance directe avec le Conservateur du British Muséum.

XII. Résumé de l’anatoaiie (2).

18° Manus, Bibl. royale de Berlin, Cat. fol. 219.

Le volume contient plusieurs travaux.

F. 78-87. Anatomie de Henri de Mondeville, lncipit : In nomine domini amen., lncipit Anathomia quae spectat ad cyrurgicum instrumentum, ordinala in Montepes- sulano a magistro Hinrico de Munda Villa, illustrissimi regis Francorum cyrurgico ad instantiam quorundam venerabilium scolarium medicinae, secundum quod ostensa fuit et prosecuta sensibiliter et publiée coram ipsis anno Domini MCCC1V. »

Manuscrit du xive siècle (de 1304?), in-fol.

Le texte n’est pas conforme à celui qui se trouve dans la Chirurgie complète de Henri de Mondeville, commencée en 1306, mais en plusieurs endroits il concorde avec celui des mss 7131 et Q. 197. Il se rattache probablement à la rédaction donnée par Mondeville en 1304. Ce manuscrit est identique quant au fond à un manuscrit d’Erfurt, Q. 210, et comme lui contient l’indication de 13 figures.

M. Pagel a publié le texte de ce manuscrit de Berlin : Lie Anatomie des Heinrïch von Mondeville, Berlin, G. Reimer, 1889, br., 80 p.

16° Manus. Bibl. d’Erfurt, l’Amploniana, Q. 210, latin.

Le volume renferme 9 travaux, le sixième des fol., 83 à 106°, comprend un résumé de l'anatomie de H. de M.

lncipit : « In nom. Dom., am. Inc. anath. que spectat ad cyrurgicum, ordinata in Monlepessiilano a magistro Ilenrico de Mundavilla illustrissimi regis Francorum cyrurgico ad instanciam quorundam venerabilium scolarium medicine secundum

BIBLIOGRAPHIE

L!X

quod ostensa fuit et prosecuta sensibiliter et publiée coram ipsis à 1).M°CCC° quarto. Sicut dicit Galienus sexto de ingenio sanitatis necessarium.

Expücit : Expi. anath., D. grat.

Manuscrit du xivc siècle, 142 f., parchemin et gros papier, d’origine française ou italienne.

Le texte est identique, quant au contenu, à celui du manuscrit de Berlin (f. 219) publié par M. Pagel (v. 15). Il contient la description de 13 ligures qui sont les mêmes que celles de ce manuscrit.

V. cat. Schum, p. 467. .

VIII. Fragments d’anatomie (2).

17° Manus. Bibl. nat., 16 193, latin.

Renferme plusieurs ouvrages, le 6e et dernier est formé par l'Introduction et une partie du Traité d’anatomie de Henri de Mondeville, fol. 162 à 168, jusqu’à l’ana¬ tomie générale des muscles; il y a des vides pour les figures.

Manuscrit du commencement du xive siècle, 168 f., in-fol., parchemin, écriture difficile à lire, 2 colonnes.

18" Manus. Erfurt, Amplon., Q. 178, latin.

Le volume renferme 25 travaux, le 22 (f. 169M 73) contient l’anatomie de Henri de Mondeville très abrégée.

Incipit : Inc. anat. cyr. magistri Hinr. de Mund. quondam cyrurgici regis Francie quam cum arte cyrurgie publiée legit Parisius et apud Monlempessulanum.

Explicit : D. gr. Expi. Anat., etc. ; de presenti termino Marie laus et filio.

Manuscrit de la première moitié du xive siècle, 175 fol, parchemin.

IMPRIMÉS

Nous n’avons à signaler que deux publications, dues à M. le Dr Pagel.

Anatomie de Mondeville.

Die Anatomie des Heinrich von Mondeville, von Dr Pagel. Berlin, G. Reimer, 1889, 80 p.

C’est le cours d’anatomie fait par Mondeville à Montpellier en 1304, d’après un manuscrit de la Bibl. royale de Berlin (n° 15 de notre catalogue). Cette ana¬ tomie est moins complète que celle qui forme le premier traité de la Chi¬ rurgie publiée en 1306 et complétée en 1312. Il s’agit soit du cours, tel que le faisait Mondeville en 1304, soit d’un cahier résumé par un étudiant, d’après le manuscrit dont Mondeville se servait : en tout cas cette anatomie est incom¬ plète, aussi M. Pagel a-t-il imprimé le texte complet de l’anatomie de Mon¬ deville, dans son édition de 1892.

INTRODUCTION

LX

Chirurgie de Mondeville.

Die Chirurgie des Heinricli von Mondeville , zum ersten Male herausgegeben von Dr J.-L. Pagel, nebst einer Abhandlung über Synonymaund einem Glossar von M. Steinschneider. Berlin, 1892, A. Hirschwald. In-8, 663 p. (Le texte avait paru déjà dans les Archives de Langenbeck, t. XL, 1890, etc.)

Publier un manuscrit latin jusque-là inédit est une oeuvre longue et minu¬ tieuse, difficile parfois. Quel plan adopter? Nous supposons d’abord que l’on a choisi parmi les divers manuscrits, s’il y en a plusieurs, celui qui paraît le plus correct, les autres ne devant servir que pour fournir des variantes.

Suivra-t-on exactement le texte latin, en y ajoutant la ponctuation et les alinéas; ou bien essaiera-t-on de corriger les mots et la construction des phrases, car alors il n’y avait pas d’orthographe officielle ni de syntaxe ?

Daremberg, qui fait autorité en la matière, dit dans son introduction aux Gloses des quatre maîtres \ à propos des règles qu’il a suivies pour la con¬ stitution du texte : « Je me suis attaché à reproduire scrupuleusement le texte du manuscrit; pour cela, non content de le copier et de le relire deux fois, j’ai fait une nouvelle et dernière révision sur les feuilles imprimées. Je ne me suis point attaché à corriger le texte partout cela eût été néces¬ saire ; d’abord la langue du moyen âge n’est pas assez fixe pour qu’on s’arrête à toutes les tournures de phrase vicieuses ou à tous les mots qui paraissent irréguliers. (Dans les manuscrits du xive siècle, le c et le t ont à peu près la même forme, le c est employé souvent nous mettons le t] de plus la combinaison ae est toujours représentée par e.) "

« J’ai donc conservé, dit Daremberg, toutes les irrégularités d’orthographe, surtout dans les noms de plantes ou les autres termes techniques. J’ai mis un point d’interrogation après les mots dont la lecture ou le sens m’ont paru douteux. » Mais il reste toujours beaucoup de fautes, aussi Daremberg dit-il qu’il faudrait toujours commencer par la seconde édition, pour mieux faire.

M. Pagel s’est servi, pour édifier le texte latin, des manuscrits de Berlin, d’Erfurt et des manuscrits complets de Paris qui seuls permettaient de mener à bien ce grand travail. Le gouvernement français a envoyé ces manuscrits à Berlin pour être communiqués à M. Pagel; c’est une libéralité que l’on ne peut que louer; elle doit être d’usage entre toutes les nations, car toutes profitent des progrès scientifiques.

Le texte de l’édition de 1892 diffère sensiblement, en plusieurs passages, non dans le fond, mais dans la forme, du texte des manuscrits complets, sur¬ tout dans le commencement de l’ouvrage. M. Pagel ne dit pas si ces variations ont été introduites par lui, ou s’il les a trouvées dans les manuscrits de Berlin et d’Erfurt. Par la reproduction de quelques phrases j’ai montré en quoi, consistaient ces différences de texte. En outre, M. Pagel n’a pas multiplié suffi¬ samment la ponctuation et les alinéas, ce qui rend la lecture assez pénible.

I. Glossulae quatuor magistrorum super chirurgiam Rogerii et Rolandi, nunc primum ad fidem codicis Mazarinei edidit Dr C. Daremberg, Parisiis, J.-B. Baillière, 1854.

BIBLIOGRAPHIE

LXl

Comme cet auteur n’a pas, partout, reproduit à la lettre le texte des manus¬ crits complets, j’ai dans ma traduction donner les passages de ces manus¬ crits qui diffèrent du texte adopté dans l’édition de 1892; ce sont autant de variantes qui étaient nécessaires pour le complément du texte de Mon- deville.

M. Pagel a joint à son édition des parties intéressantes, en dehors des variantes et notes qui sont au bas des pages. Il a donné une description, un peu disséminée, des manuscrits de Mondeville, puis à la fin du volume il a ajouté un chapitre sur la matière médicale à Moritz Sleinschneider ; se trouvent des notices sur les principaux auteurs et ouvrages de matière médi¬ cale, puis un glossaire des Synonymes du chapitre 9 de l’Antidotaire ; enfin M. Sleinschneider a rectifié les noms arabes, estropiés par les copistes.

M. Pagel montre que Mondeville n’était pas inférieur aux chirurgiens de son temps dont les oeuvres ont été déjà imprimées et il en fait un grand éloge. Il a complété son appréciation dans le discours qu’il a prononcé lors de son installation comme Privât docent à l’Université de Berlin *, et dans plusieurs articles, il a mis au jour divers côtés de cette figure historique.

Traduction française de ia chirurgie de Henri de Mondeville.

Le livre de Mondeville devait occuper dans notre littérature la place à laquelle il a droit sous tant de rapports. Après l’édition latine de M. Pagel, il était nécessaire que la chirurgie de Mondeville fût publiée en langue française, afin de vulgariser davantage un Traité qui appartient aux Origines de notre chirurgie. Le ministère de l’Instruction publique, en faisant à cette œuvre l’honneur d’être publiée sous ses auspices, a montré tout l’intérêt qu’il apportait à la publication du premier Traité de chirurgie d’origine française, en même temps qu’il mettait son importance en relief.

On ne sait si la seconde rédaction de la chirurgie de Mondeville a été tra¬ duite en français, pendant le moyen âge, car aucun manuscrit français n’est parvenu jusqu’à nous; celui de 1314 comprend seulement la traduction des deux premiers traités, tels qu’ils étaient dans la première rédaction. Cette tra¬ duction s’éloigne donc beaucoup du texte des manuscrits complets et n’a pu me servir que pour quelques variantes.

Pour faire ma traduction je me suis servi surtout de deux textes, de l’édition de M. Pagel et du manuscrit 1487 de notre Bibliothèque nationale, qui est remarquable sous tous les rapports et le plus ancien, je crois, des manuscrits- complets ; en outre, il offre peu de fautes ; je me suis servi aussi d’autres manus¬ crits, mais rarement, le manuscrit 1487 suffisant pour le contrôle.

J’ai donc confronté, pour ainsi dire mot à mot, le texte de l’édition de 1892: avec celui du manuscrit 1487, car mon but était de donner une traduction repro¬ duisant aussi littéralement que possible ce qu’avait écrit Mondeville. J’ai

1. Pagel, Die chirurgische Hodegetik und Propâdeutik des Heinrich von Mondeville, in Deutsche med. Zeitung, nos 14 à 17, 1892.

LXII

INTRODUCTION

admis que les manuscrits complets de Mondeville, si concordants entre eux faisaient foi contre tout autre manuscrit.

Cecr m’a conduit à insérer dans mon édition un assez grand nombre de variantes au texte de l’édition de 1892; je me suis trouvé ainsi amené à donner non seulement une traduction de la chirurgie de Mondeville, mais encore à compléter le- texte latin publié par M. Pagel. Les travaux de ce genre sont toujours susceptibles d’additions, à mesure que les éditions se succèdent. Aux variantes, j’ai ajouté des notes se rapportant à quelques mots obscurs, et j’ai donné le texte latin, quand il pouvait être interprété en des sens différents.

Je me suis attaché à donner une idée du style original et imagé de notre chirurgien; je n’y suis pas toujours arrivé, mais je compte sur la bienveillance du lecteur. Je me suis efforcé aussi de rendre la lecture du livre facile, en divisant les longs paragraphes des manuscrits, en multipliant les alinéas et en employant les italiques; j’ai suivi, en un mot, les règles qui m’avaient ç'uidé dans mon édition de Guy de Chauliac.

A la traduction de Mondeville et aux variantes du texte latin, j’ai ajouté une introduction dans laquelle, sans reproduire ce que j’ai dit dans l’Introduction de Guy de Chauliac, j’étudie plus longuement certaines questions controver¬ sées sur lesquelles j’espère avoir apporté quelque lumière, telles que la chi¬ rurgie à Paris au xive siècle et l'enseignement de la chirurgie. Puis je résume la doctrine de Mondeville dans le traitement des plaies et je montre le rôle de son oeuvre dans les origines de la chirurgie française Je donne ensuite la bio¬ graphie de Mondeville, la liste des auteurs cités par lui, l’analyse de son livre puis 1 histoire de ses manuscrits, etc.

Le volume se termine par un Glossaire des Synonymes, la reproduction des instruments de chirurgie et une table alphabétique.

En outre, ayant trouvé un portrait de Mondeville dans une miniature, faite en ldU de son vivant (ms. 9), j'ai reproduit ce précieux document, sans y rien changer, et l’ai placé en tête de mon livre.

Au traité de l’anatomie j’ai ajouté, non dans le texte, mais en notes des figures de Johannes Peyligk et de Magnus Hundt, rééditées par le Dr Stockton Hongb (voy. note p 27). Ces ligures, les premières publiées après la découvert”

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IX. PIÈCES JUSTIFICATIVES

Pièces concernant les Chirurgiens.

Statuts des chirurgiens au xme siècle.

Des cireur giens 2.

I Pour ce que il puel avenir que quant murtrier ou larron sunt bleciez ou ble- cent autrui, viennent celeement aus cyrurgiens de Paris et se font guérir celeement,

i T’ai réuni ici les pièces justificatives concernant les Chirurgiens et les Barbiers, quej’aTpu Trouver dans les documents du un* et du xiv» siècle, sans poursuivre plus

l0i2n‘Dli uVre des métiers d’Etienne Boileau, rédigé au n.f siècle, in Documents inédits sur

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LXIV

INTRODUCTION

aiasinc que les raurtres et les sans et les amendes le Roy sont perdues et celées, li prevoz de Paris, pour le pourfit lou Roy et de la ville de Paris, par le conseil de bonnes gens a pourveu et ordenné :

II. Que nul cyrurgien souffisans d’ouvrer de cyrurgie ne puist afetier (panser), ne fere afetier par lui ne par autrui nul blecié quel que il soit, à sanc ou sans sanc, de quoi plainte doive venir à la joustice, plus haut d’une fois ou de deus, se péril i a, que il ne le face savoir au prevost de Paris ou à son commandement.

III. Et ce ont juré et doivent jurer tuit cil qui sunt digne d’ouvrer et seront.

IV. Et comme en Paris soient aucun et aucunes qui s’entremetent de cyrurgie qui n’en sunt pas digne, et perilz de mort d’ornes et mehains de menhes en avien- nent et porroient avenir, li prevoz de Paris, par le conseil de bonnes gens et de preud' ornes du mestier, a esleu VI des meilleurs et des plus loiaus eyrurgiens de Paris, liquel ont juré sur Sains devant le prevost que eus bien et loiaument encercheront et examineront ceus qu’ils creront et cuideront qu’il ne soient digne d’ouvrer, et n’en déporteront ne grèveront ne por amour ne por haine. Et ceus qui n’en seront digne, il nous en baudront les nons en escrit, et nos leur deffenderons le mestier, segont ce que nos verrons que resons soit. Et si nous baudront en escrit les nons de ceus qui seront digne d’ouvrer de cyrurgie, pour fere le serement devant dit.

V. Se aucuns des VI jurez devant diz moroit, li V esliroient le plus preud’ome et le meilleur de cyrurgie qu’ils trouveroient et le nous baudroient en escrit, au lieu de celui qui mors serait, et ferait le serement devant dit.

VI. Li VI juré desus dit pour services des serjans et por autres coustanges qu’il auront ou mestier desus dit, auront le quart denier des amendes qu’ils feront lever du mestier, si comme de ceus qui iraient contre leur serement, et comme de ceus à qui nous deffendrons le mestier qui n’en sont digne se il s’en èntremëtoient sur nos.tre deffense. Les nons des VI eyrurgiens jurez examineeur sont leil : mestre Henri doü Perche, mestre Vincent son flux, mestre Robert le Convers, mestre Nicholas son frère, mestre Pierre des Hales et mestre Pierre Joce.

II

Ordonnance de Philippe le Bel, de novembre 13 H.

Édit portant défense à toute personne d'exercer la chirurgie à Paris, sans avoir été examinée par les maistres chirurgiens Jurés de Paris, convoqués par le premier chi¬ rurgien du Roi, qui seul a droit d’octroyer la licence d’exercer la chirurgie. (Tra¬ duction de l’édit publié en latin.)

Philippe, par la grâce de Dieu, roi des Français. Par le rapport de personnes dignes de foi, il est parvenu jusqu’à nous, non pas une fois, mais plusieurs et sou¬ vent, que nombre d 'étrangers, de professions et états différents , les uns meurtriers, les autres voleurs de grand chemin, quelques-uns faux-monnayeurs, d'autres vagabonds et libertins, dupeurs, alchimistes, usuriers, se permettent d’exercer, dans notre Ville et Vicomté de Paris, la pratique et l’œuvre de l’Art chirurgical, comme s’ils avaient été suffisamment examinés dans la science susdite et étaient Jurés. Bien qu’ils soient peu instruits sur ce sujet et presque inexpérimentés, ils osent exercer et pratiquer publiquement, suspendant leurs bannières à leurs fenêtres comme de vrais Chirur¬ giens instruits. En outre, la plupart du temps, malgré notre défense et nos ordon¬ nances, ils vont dans les lieux sacrés et privilégiés panser plus d’une fois et visiter les blessés; toutes choses qu’ils se permettent de faire imprudemment, les uns, afin de pouvoir par leur opération de traitement malhabile extorquer frauduleusement de l’argent aux malades, d’autres afin de pouvoir cacher plus facilement sous le manteau de cet art, la honte de leur état et les vices de leur mauvais travail D’où il résulte souvent que par suite de la mauvaise pratique et de l’inconscience du régime convenable de ces ignorants non jurés, plusieurs blessés qui n’étaient

PIÈCES JUSTIFICATIVES

LXV

pas atteints mortellement, dont les membres n’étaient pas perdus ou mutilés ou bien sont morts, ou bien ont perdu des membres ou ont été infirmes, et ceux qui les avaient blessés ont été, les uns pendus, les autres bannis injustement, à douleur! tandis que la fausseté et la perversité de ces hommes réprouvés et leur œuvre détestable restent et sont restées inconnues et impunies, donc faisons savoir à tous ceux qui existent présentement et à ceux qui viendront ensuite, que Nous, considérant ce qui précède, voulant obvier aux dangers de ce genre, pour que dans la Ville de Paris, qui est particulièrement le lieu la science coule le plus abondamment, qui enfante aussi des savants, et recevant dans son sein des igno¬ rants, après les avoir baignés dans les ruisseaux féconds de sa doctrine, en fait des hommes remarquables par la connaissance des diverses facultés, de tels abus ne se renouvellent point, pour l’honneur des honnêtes gens et des savants, et pour la sécurité et la paix de tout le peuple de la Ville et de la Vicomté de Paris, afin que de chez eux la secte des pervers soit extirpée radicalement : Par le présent Édit, décidons que dans la Ville et Vicomté de Paris, aucun chirurgien ou aucune chirurgienne ne se permette d’exercer d’une façon quelconque l’art ou l’œuvre de Chirurgie et de s’en mêler publiquement ou en secret dans quelque juridiction ou terre que ce soit, à moins qu’ils n’aient été d’abord examinés avec soin et approu¬ vés en cet art même, par les Maîtres Chirurgiens Jurés demeurant à Paris, appelés par Maitre Jean Pitart notre affectionné Chirurgien Juré de notre Châtelet de Paris, en son vivant, ou par ceux qui lui succéderont en cette charge, qui seront tenus par le lien de leur serment d’appeler les autres Chirurgiens susdits selon le cas et toutes les fois qu’il sera 'nécessaire et à moins que par lui ou par ses successeurs en cette charge, comme il a été- dit, d’après l’approbation des autres chirurgiens ou de la majorité, la voix de l'appelant lui-même comptée parmi les autres $ ils n’aient mérité d’obtenir Licence d'exercer dans l’art en question; auquel, en raison de son office qu’il tient de nous, et à ses successeurs dans cette charge, nous voulons qu’appartienne X octroi de cette Licence et à aucun autre. Ceux qui auront été exa¬ minés et approuvés par lui et ses successeurs, de la manière indiquée, seront tenus avant d’exercer, de prêter serment, en présence de notre Prévôt de Paris, qu’ils exerceront consciencieusement cet office, que de plus ils ne visiteront ou ne panse¬ ront un blessé quelconque dans les lieux sacrés et privilégiés, si ce n’est seulement la première fois, et que aussitôt après cette visite ou ce pansement, ils révéleront ou même déclareront celte blessure à notre Prévôt de Paris ou à son lieutenant, ou aux Auditeurs du susdit Châtelet. Donnons donc à notre Prévôt de Paris actuel et à ses successeurs, par la présente ordonnance, en tant que sous la vertu du serment auquel ils sont tenus, en raison de leur administration, ordre d’assurer la publica¬ tion solennelle et l’exécution ferme du présent statut, maintenant et toujours, lors¬ qu’il sera expédient, dans la Ville et Vicomté de Paris. Les Bannières de tous les Chirurgiens et Chirurgiennes susdits, non approuvés et Jurés, comme il est dit, qui resteront suspendues à leurs maisons, après la. publication de cet édit, seront brûlées publiquement devant les mêmes maisons, leurs personnes mêmes seront saisies et conduites en notre Châtelet de Paris et seront retenues autant que nous l’aurons justement prescrit. On leur défendra rigoureusement et formellement qu’à l’avenir ils ne se permettent pas d’exercer l’art susdit, à moins d’avoir été préalablement examinés et approuvés par cedit Maître Jean ou ses successeurs audit office, comme il a été dit, et à moins d’avoir prêté le serment susdit. Mais si quelqu’un d’eux refu¬ sait de prêter le serment, nous voulons que l’œuvre et l’exercice dudit art lui soit absolument interdit. Et si contrairement à notre défense et interdiction ils osaient pratiquer ledit art, nous Voulons qu’ils soient punis prima ratione par notre Prévôt susdit, selon que la qualité du fait l’exigera, et qu’il lui appartiendra. Pour que le présent éditait force et. durée dans l’avenir nous avons fait apposer notre sceau ala présente pièce. Fait à Paris, au mois de novembre, l’an du Seigneur 13il. ( Ordonn . des Bois de France, t. I, 1723, p. 491; Rech. sur l'origine de la Chir., 1744, p. 437 L)

1. Cet édit, reproduit ici in extenso , a . servi pendant longtemps de base aux édits qui NjCAISE. H. de Mondeville. e

LXVI

INTRODUCTION

III

Charte de 1327 par laquelle les deux Chirurgiens du Roy et du Châtelet

DOIVENT VISITER TOUS LES JOURS LES MALADES DE L HÔTEL-DIEU.

Du 16 janvier 1327. Charte du Roy Charles le Bel, portant concession aux chirur¬ giens du Roy et du Châtelet de Paris, de douze deniers Parisis par chacun jour, à prendre sur l’émolument de la Vicomté de Paris, pour visiter les malades de l’Hôtel- Dieu. ( Rech . sur l'origine de la Ghir., 1744, p. 440.)

IY

Édit du Roy Jean I, avril 1332.

11 porte défense à toute personne d’exercer la chirurgie à Paris, sans avoir été examinée, et est conçu presque en les mêmes termes que celui de Philippe le Bel, de 1311. ( Ordonn . des Rois de France, t. II, 1729, p. 496; Rech. sur l'orig.de la Chir., 1744, p. 441.)

Y

Charte de Charles, fils aîné du roy Jehan,

Régent de France pendant la prison de son père en Angleterre.

Cette charte , de juin 4360, confirme l'établissement de la confrérie de Saint-Cosme et Saint-Damien, dont le Roi fait partie avec les chirurgiens de Paris et d’autres; elle défend la pratique de la chirurgie avant d’avoir obtenu la licence, après examen par les jurés du Châtelet, le prévôt de la Confrérie et les chimrgiens licenciés de Paris.

Charles, etc. A touz presens et à venir, Salut.— Comme nous ramenans à mémoire les grans vertus et innumerables mérités dont les glorieux Martirs Sains Cosme et Damien furent et sont plains et recommandez envers nostre Seigneur Jesus-Christ, et les très grans vertus et miracles que le Sauveur de tout le monde par leur intercession, a faiz ou temps passé, et fait encore chascun jour à plusieurs personnes opprimées de griefs maladies en plusieurs parties de leurs corps, et pour la très-vraie et par¬ faite devocion et affection que Nous avions et avons encore ès mérités d’iceulx Mar¬ tirs, Nous soions ja pieça entrez en leur Confrérie en l’Église Sains Cosme et Damien à Paris : Savoir faisons que Nous en l’onneur et remanbrance desdiz glorieux Mar¬ tirs, ladite Contrarie et tous les poins d’icelle en la maniéré que contenu est en l’Ordenance sur ce faite1, avons ratiffié approuvé et confermé comme Confrère d’icelle avec les Cirurgiens de Paris et autres, et de certaine science, plaine puissance, auc- torité et libéralité Royal dont Nous usons, ratifions, approuvons et confermons de grâce especial : et pour ce que en certains Privilèges ja pieça octroiés ausdiz Maistres Cirurgiens Licentiés oudit Art et à leurs prédécesseurs, entre les autres choses est contenu, que aucun sur paine d’amende volentaire à estre appliquiée à Monsieur et Nous, ne s’entremettre en aucune maniéré de pratiquer en ladite science de Cirurgie, se il n’est Licentiez oudit Art, examinez et approuvez par les Jurez du Chastelet de Paris et Prévost de ladite Confrairie, appeliez avec eulx les autres Cirurgiens Licentiez à Paris, si comme^esdis Privilèges puet plainement apparoir, Nous de l’auctorité que dessus, et en ampliant nostre dite grâce, desirans de tout nostre cuer procéder

ont été pris contre l’exercice illégal de la médecine. On peut supposer que Mondeville alors chirurgien du Roi a contribué à sa rédaction, ear on en retrouve des traces dans son texte même (p. 97).

1. In Rech. sur l’orig. de la Chir., 1744, p. 447 : Du temps de saint Louis, le 25 février 1255, a été érigée en l’église Saint-Cosme la confrérie de Saint-Cosme et Saint-Damien patrons des Chirurgiens. Sauvai, Hist. et anliq. de Paris, édit, de 1724, t. I, p. 412.

PIÈCES JUSTIFICATIVES

LXYII

à l’augmentation et accroissement du Service Divin, en ensuivans les traces des Prédécesseurs de Monsieur, et de Nous Roys de France, et afin que Monsieur, les Prédécesseurs et Nous soions participai ès biens, Prières, Messes et devotes Orai¬ sons qui seront faites et célébrées en ladite Confrarie, ausdis Confrères ou nom de ladite Confrarie, avons donné et oclroié perpetuelment et à touzjours, donnons et octroions par la teneur de ces présentes, la moittié entièrement desdites amendes pour tourner et convertir au prouflt de ladite Confrarie et non autre part. Si don¬ nons en mandement par ces mesmes Lettres au Prévost de Paris ou à son Lieute¬ nant qui à présent est et qui pour le temps avenir sera, que lesdites amendes toutes et quantes-fois que elles escheront, il lieve, execute ou exploicte, ou face lever, executer et exploiter selon la teneur desdiz Privilèges dont il lui apperra, desquelles il face bailler la moitié au Receveur de Paris présent ou à venir, et l’autre moitié aus Prévost et Confrères de ladite Confrarie ; et à nos amès et feaulx les Gens des Comptes de Monsieur et Nous à Paris, que lesdiz Prévost et Confrères ou nom de ladite Confrarie, facent, seuffrent et laissent joïr et user plainement et paisiblement de nostre présente grâce, et contre la teneur d’icelle ne les empeschent ou seuffrent estre empeschiez en aucune maniéré, non-obstant quelconques Orde- nances, inhibitions, Mandemens ou deffenses faites ou à faire, et Lettres empetrées ou à empetrer au contraire. Et que ce soit ferme chose et estable à touzjours, Nous avons fait mettre nostre Seél à ces présentes : sauf en autres choses le droit de Mon¬ sieur et le nostre, et l’autrui en toutes. Fait et donné à Paris, l’An de grâce mil trois cens soixante, ou mois de Juing.

Par Monsieur le Regent, presens Messieurs Adam de Meleun et J. de la Riviere.

( Ordonn . des Rois de France , t. III, 1732, p. 420; —Rech. sur l'origine de la- Chir. , 1744, p. 446.)

VI

Édit du Rov Charles V, 19 octobre 1364.

Il est conçu presque dans les mêmes termes que les ordonnances de 1311 et 1352, défendant à quiconque l’exercice de la chirurgie, avant d’avoir été examiné; de plus le Roy fait don à la confrérie de Saint-Cosme et Saint-Damien, la moitié des amendes, confirmant le contenu des Lettres patentes de Juin 1360. (In Ordonn. des Rois de France, t. IV, 1734, p. 499; Rech. sur l'orig. de la Chir., 1744, p. 448.)

VII

Charte du Roy Charles V, du 21 juillet 1370.

Cette charte dispense les chirurgiens , Maîtres Jurés Licenciés et Bacheliers du guet et de la garde. Il y est question aussi des non gradés. (Traduction de la charte publiée en latin.)

Charles, par la grâce de Dieu, Roi des Français, au Prévôt de Paris ou à son Lieutenant, salut. Sur l’indication de nos chers Maîtres Jurés Licenciés et Bacheliers 1 dans l’art de chirurgie, demeurant à Paris, il nous a été représenté qu’eux-mêmes, avant d’exercer ledit art, sont tenus de s’engager par serment par-devant vous, d’exercer honnêtement leur office. Par cela, ils ne sont nullement tenus de révéler ou d’intimer à vous ou aux auditeurs de notre Châtelet de Paris, les blessés exis¬ tant dans la Ville ou Vicomté de Paris, ni leurs blessures (vulnus) et leurs plaies (plaga), si ce n’est toutefois ceux et celles qui se trouveraient dans des lieux sacrés

. 1. Cette charte est le premier document qui reconnaît aux chirurgiens des grades divers : Maîtres, Licenciés et Bacheliers. Les Chirurgiens en effet avaient modifié leurs statuts et créé ces grades par analogie avec ce qui existait dans l’École de Médecine (V. p. j„ XI).

LXVII1

INTRODUCTION

et privilégiés; à cause de quoi, ils ont jusqu’ici prêté serment et ont accoutumé de prêter serment d’exercer honnêtement, en présence du chancelier de notredit Châtelet. Néanmoins, vous vous efforcez, envers ceux qui n’ont pas prêté le ser¬ ment comme il est dit, et quand la présentation et approbation d’eux ou de quelques- uns d’entre eux, n’a pas été faite devant vous, et aussi quand ladite révélation ou intimation n’a pas été faite, et aussi quand des non gradés se sont mêlés dudit exercice, bien qu’il y ait des hommes expérimentés qui ont accoutumé d'exercer sous la direction et au nom des Maîtres de tirer de tous des amendes et de les contraindre à. révéler ou à intimer à vous ou auxdits Auditeurs, après la première visite ou le premier pansement, les blessés et les plaies, non seulement de ceux qui sont dans les lieux sacrés et privilégiés, mais aussi des autres, quels qu’ils soient indistincte¬ ment; et déjà vous avez fait jurer à quelques-uns d’entre eux qu’ils révéleront tout, à vous ou auxdits Auditeurs. En outre, comme il faut que pour exercer ledit office, ils soient prêts à toute heure, vous voulez qu’ils soient exempts de l'obligation de garder les portes de notre ville de Paris, ainsi que du guet de jour et de nuit, « ipsos pro premissis diversis modis et viis punire volendo, in ipsorum et Reipublice, cujus sunt servicio deputati, grave dispendium, prout sumus sufticienter informali ». En conséquence, Nous, considérant ce qui précède, et en outre qu’il importe peu que le serment soit prêté devant vous ou devant ledit Chancelier, considérant aussi qu’ils ont droit à la moitié des amendes provenant des susdits qui n’ont pas été approuvés, et qui n’ont pas prêté serment, en vertu de la donation que nous leur avons faite, pour qu’elles soient appliquées exclusivement au profit de la Confrérie, qu’ils font en l’honneur des bienheureux martyrs Cùsme et Damien, avons fait à eux tous et à chacun, et faisons pour ce cas, remise de toute amende quelconque dont ils pour¬ raient être tenus et sont tenus envers nous pour le motif susdit, et cela de notre science certaine et grâce spéciale, à la condition toutefois que eux-mêmes et chacun d’entre eux soient tenus dans la suite de jurer et de demander approbation, confor¬ mément à leurs privilèges. Et par surcroît, considérant que lesdits Exposanls offrent spontanément pour nous et le salut de notre âme, de nos prédécesseurs et de nos successeurs à l’avenir, de visiter et de panser gratuitement les pauvres qui ne peuvent être admis dans les Hôpitaux et auront besoin de leurs visites et remèdes, nous voulons et leur concédons que pour ce qui est desdils blessés, des blessures et plaies qu’ils doivent révéler, il soit fait autrement que par le passé et qu’il a été prévu dans les privilèges, à eux octroyés par nous et nos prédécesseurs, déjà très peu tenus pour ce qui est du guet et de la garde des portes, qu’ils en soient désor¬ mais libres et exempts; mandant à vous que vous lés fassiez jouir de notre présente grâce et faveur, en paix et sécurité, sans les molester en rien, ni les faire molester, ni permettre quoi que ce soit contre leurs personnes ou leurs biens; mais les rele¬ vant de leurs serments prêtés en sens contraire et contrairement à la teneur et à la série de leurs privilèges, comme nous-mêmes, dans les cas permis, nous les en relevons par la teneur des présentes, et imposons silence sur toutes ces choses à notre Procureur. Donné en notre Hôtel de Saint-Paul, 21 juillet 1370, 7* année de notre règne. ( Ordonn . des Rois de France, t. V, 1736, p. 322; - Rech. sur l’orig. de la Chvr., 1744, p. 432.)

VIII

Lettres patentes du Roy Charles VI, du mois d’octobre 1381.

Ces Lettres confirment l’ordonnance du 19 octobre 1364 sur l’exercice de la chi¬ rurgie, et le don de la moitié des amendes à la confrérie de Saint-Cosme et Saint-

Fmnce> *■ vi’ i74,> p- 626; - ™4.

PIÈCES JUSTIFICATIVES

I.X1X

IX

Lettres de Charles VI, 3 août 1390.

Ces Lettres porlent simplement défense d’exercer la médecine et la chirurgie à ceux qui n’en seront pas jugés capables. ( Ordonn . des Rois de France, t. VII, 1733. p. 334.)

X

Ordonnance de 1533 concernant la police du Royaume.

P. 382. Ordonnances faites par la Chambre ordonnée par François Ier en 1333, au temps des Vacations, concernant la Police de la Ville et Fauxbourgs de Paris, pour obvier au danger de la peste.

P. 384, note 20. Aussi que le Collège des Chirurgiens de celtedito Ville eslira deux d’entre eux Maistres Chirurgiens Jurez, pour visiter, medïcamenter et panser lesdits malades pestiferez, et auront chacuns d’eux des gages pour cette présente année six vingt livres parisis, dont pareillement leur sera avancé un quartier et en ce faisant seront contraints à la charge dessus dite (in Ordonn. des Rois de France, t. Il, 1729).

XI

Statuts, des chirurgiens de Paris *.

Ce sont les Ordonnances et Statutz de la confrairie St Cosme et St Damien, aux chirurgiens de la ville de Paris, lesquelles Ordonnances et Statutz furent ordonnées par feu maistre Jehan Pitart et autres plusieurs chirurgiens qui vivaient pour ce temps, c'est assavoir lan de grâce mil deux cens soixante huict.

1. L’histoire des chirurgiens de Paris est encore obscure, surtout pour ce qui concerne le moyen âge; afin d’en permettre uneélude plus précise j’ai recherché et réuni les docu¬ ments officiels et authentiques, et je crois rendre service en les publiant ici.

Les Statuts des Chirurgiens ont particulièrement donné lieu à des controversés; j’ai reproduit, sous le I des Pièces justificatives, les Statuts du Livre des métiers, mais ils ont été remplacés par d’autres plus complets, que tous les écrivains s’accordent à attri¬ buer à Pitart, tout en différant quant à la date de leur première rédaction.

Le texte des Statuts primitifs attribués à Pitart est introuvable et les ordonnances royales n’en font pas mention; seule la charte de 1370 (p. j., VII) parle des Maîtres, Licenciés et Bacheliers et de ceux qui ne sont pas gradés, s’appuyant probablement sur ces Statuts.

Ceux: qui sont parvenus jusqu’à nous sont de 1379 et rédigés en français; à cette date les chirurgiens ont révisé et confirmé leurs statuts qui ont été collationnés et cer¬ tifiés par J. Dèlanoue et L. Hubert en 1603. Leur manuscrit se trouve à la Bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris; ce sont les plus anciens documents que nous ayons, ceux qui ont servi à ces auteurs paraissant aujourd’hui perdus.

Jérôme Dela.noue, qui fut reçu Maître en l’année 1374, a été Prévôt des chirurgiens; comme Louis Hubert il était chirurgien-juré du Roi en son Châtelet.

Delanoue reproduit encore le texte de deux autres statuts rédigés en latin, mais ils sont de date plus récente.

Le texte latin le plus long (f. 43 à 74) porte en tête cette note : « Les chirurgiens qui demandaient en 1343 la confirmation de ces Statuts qu’ils avaient produits comme vrais s’en désistèrent cependant et déclarèrent qu’ils ne prétendaient plus s’en servir, ayant été attaqués de faux par la Faculté de médecine, du décanat de M.-J.-B.-F. Martinen pour lors doyen de ladite Faculté de médecine de Paris ». Ces statuts ont été impri¬ més en 1743 et ce sont eux qui se. trouvent dans les Recherches sur les Origines de la chirurgie en France, 1744 (p. 337-422). D’après la note ci-dessus il n’y a pas à en tenir compte, c’est également ce qu’ont fait Pasquier et Malgaigne.

L’autre texte latin et le texte français ont beaucoup d’analogie entre eux : le texte

LXX

INTRODUCTION

Statuts de 1379.

i

Hz ordonnèrent, affirmèrent et jurèrent sur les sainctes parolles de Dieu devant lofficial de Paris 1 qui pour ce temps vivoit, a tenir bien etloyaument et justement a tousiours mais sans faillir, les ordonnances qui sensuivent.

II

Premièrement, ordonnèrent les devans ditz chirurgiens, que a lobseque de chacun chirurgien confrère trespasse, aura, qui les demandera au Prévost, quatre cierges commungs ardans et la croix elle paelle de la Confrarie : Et aussy il sera tenu davoir laissie a ladicte Confrarie pour ledict paelle, cierges communs et ladicte croix, la somme de vingt solz parisis du moins, nonobstant quil ne ait ledict poille, cierges communs et ladicte croix, et parmy ce, lesditz Maistres chirurgiens de ladicte Con¬ trarie seront tenuz de faire dire et celebrer une haulte messe de requiem, a dyacre et soubsdyacre et vigilles a trois pseaumes et trois leçons, pour lame dudict deffunct, et bailler durant ledict service le luminaire de ladicte Confrarie avec celui desditz Maistres, comme il est acoustume de faire audict service qui ce faict chacun moys en leglise de Mossieurs Sts Cosme et Damien a Paris (art. 1 du texte latin).

III

Item, ordonnèrent lesditz chirurgiens, que tous Chirurgiens tant Maistres que Bache¬ liers de ladicte Confrarie viendront et seront tenuz a venir, par les sermens dessusdilz, a lobseque de chacun chirurgien Maistre trespasse. Et aussy a offrir a la messe. Et si ilz défaillent, ou cas quil leur sera faict assavoir ou intime du Prévost de ladicte Confrarie ou du clerc ordonne a ce, ilz seront tenùz de paier deux solz parisis au prouffict de ladicte Confrarie, par les sermens dessusditz : Et mesmement se ilz sont a Paris et il leur avoit este intime ou faict assavoir par lun dessusditz, et depuis allassent hors, ilz seront tenuz de paier lamende de deux solz, laquelle amende sera au prouffict de ladicte Confrarie (a. 2).

latin (f. 29-44) a 38 articles; les 3 derniers, qui ne sont pas dans le texte français, ont été ajoutés en 1577. Ce texte latin est postérieur au texte français que Delanoue considère comme le premier et le plus ancien; en outre ce dernier est beaucoup mieux ordonné que le texte latin. Je n’ai trouvé les statuts latins publiés nulle part; seul Pasqüier *, dans son intéressante étude sur les Chirurgiens et les Barbiers, qui a servi de point de départ aux travaux postérieurs sur ce sujet, en cite quelques articles.

Le texte français paraît donc être le plus ancien après les statuts du Livre des Métiers ; il a toujours formé le fond des statuts des chirurgiens, dans les diverses révisions qu’ils ont subies. Ces statuts français ne se trouvent que dans le manuscrit de Delanoue et je crois qu’ils n’ont jamais été imprimés; ils le sont donc ici pour la première fois. Je les reproduis littéralement d’après le texte de Delanoue; à la fin de chaque article j’indiquerai l’article correspondant des statuts en latin de 38 articles; ce travail de con¬ cordance a été fait par Delanoue. (Je n’éçris pas « De La Noue », car dans son manuscrit, ce chirurgien signe toujours en écrivant son nom en un seul mot « Delanoue ».)

Aux Archives nationales existent deux documents concernant les statuts des chirur¬ giens (carton M, 70) :

12 : Chirurgiens de SainUÇosme ou de Robbe longue. Cette pièce donne un résumé des actes principaux qui concernent les chirurgiens de Saint-Côme de 1311 à 1660.

N 13 : Statuts et règlements pour les communautés des chirurgiens ; ils sont du xvme siècle et ne sont pas spéciaux aux chirurgiens de Paris.

Au xynf- siècle on trouve de nouvelles rédactions des Statuts de la communauté des chirurgiens : Statuts des maîtres en chirurgie de Paris, 1765 (Bibl. Fac. méd., Mélanges 90957, t. XXXI). Règlement pour le Collège de chirurgie (Même volume). ° .

1. Ce serment se faisait devant l’official a cause de la confrairie permise par M l’Evesaue de Paris (note de Delanoue). 4

* Pasqùier, 1643. Les rechirches de la France. Paris, in-fol., p. 859-S73.

PIÈGES JUSTIFICATIVES

LXXI

IV

Item, ordonnèrent que le Prévost le fera assavoir apres que ledict chirurgien sera trespasse, et feront chanter une messe de requiem en leglise de St Cosme a laquelle messe les chirurgiens seront tenuz a estre, sur peine de lamande de deux solz parisis, a tourner au prouffict de ladicte Confrarie.

V

Item, ordonnèrent lesditz Chirurgiens, que se il avenoit que aucun des Maistres chirurgiens confrère soit trespasse, il est de raison que quatre des plus auctorisez chirurgiens portent le poille sur le corps au moustier et en terre : Et mesmement aussy quatre des Bacheliers ou plus seront tenuz de porter le corps aussy au mous¬ tier et en terre : Et ou cas que les amis du trespasse le vouldroient faire porter par aucuns portes chappes ou aucuns varies, ilz le peuvent faire (a. 3).

VI

Item, se le Prévost desditz chirurgiens faict faire aucune assemblée par le consentement des Jurez ou daucun